L’été est souvent le temps d’une certaine insouciance. Après le travail, les fatigues, les engagements multiples d’une année civile, pastorale, il s’agit de pouvoir envisager un temps plus calme, profiter d’un temps de repos ou de vacances, vivre au rythme plus lent de la nature sous le soleil, permettre des rencontres ou des retrouvailles familiales ou entre amis. L’été est le temps du ressourcement, physique (recharger ses batteries) permettant plus d’effort ou de sport (et pas seulement dans son canapé à regarder l’Euro de foot, le Tour de France ou les jeux olympiques !), mais aussi intellectuel pour pouvoir lire, réfléchir, envisager l’année à venir ; spirituel, le temps d’une retraite, d’une prière plus gratuite, d’un pèlerinage comme le pèlerinage des pères de famille à Vézelay ou le pèlerinage diocésain à Lourdes.
Oui mais voilà, en cet été 2024, l’actualité est lourde et les sources d’inquiétude nombreuses : la guerre fait toujours rage en Ukraine et le poids de celle-ci sur ses habitants, toujours plus lourd. A Gaza, on ne voit pas non plus la fin du conflit et le désastre humanitaire est de plus en plus menaçant. Quant à la suite, qui peut
vraiment l’imaginer aujourd’hui en termes de reconstruction et d’administration du territoire. Ici, en France, le temps des vacances souligne aussi la difficulté de ceux qui n’en ont pas et la précarité de ceux qui sont pris à la gorge par les conséquences de l’inflation et la faiblesse de leurs revenus. La période électorale, à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale, a rendu visible les craintes et les angoisses de beaucoup et la difficulté pour notre pays de trouver un chemin qui soit à la fois paisible, soucieux du bien de tous et porteur de solidarités concrètes, en particulier vis-à-vis des plus faibles et des plus petits. L’inquiétude demeure sur ce que nous réserve l’avenir et souligne le risque que les clivages de plus en plus marqués de notre société puissent mettre en pièces les fondements de l’unité de la Nation.
Les chrétiens, me semble-t-il, s’ils doivent s’engager au service du bien commun et de la chose publique, doivent pouvoir le faire d’une manière qui soit dans la juste distance. Quand Jésus, mis à l’épreuve sur la nécessité ou non de l’impôt dû à César avec des pièces à son effigie, nous dit de « rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », il ne fait pas seulement que distinguer les plans et d’une certaine façon acter une séparation du pouvoir temporel et du religieux (avant toute définition de laïcité !), il veut mettre aussi chacun à sa juste place. Certes, César est un chef politique important à qui l’on doit respect, mais Dieu ne fait pas nombre avec les pouvoirs humains et l’importance qu’il doit avoir dans la vie du croyant, dans ses choix et ses comportements, dépasse toute autorité terrestre. Les martyrs de tous les temps l’ont compris et l’ont payé de leur propre vie. S’il ne s’agit pas de jouer aux martyrs ou de se croire persécutés quand nous ne sommes pas écoutés, il nous faut chercher comment mettre un regard de foi sur les réalités humaines que nous vivons. Il ne s’agit pas de rêver au retour d’une chrétienté passée et qui ne reviendra pas, mais de voir concrètement comment nous pouvons être porteurs d’une espérance, facteurs de paix et de réconciliation au milieu de notre société désunie et éclatée. La paix et la confiance ne sont pas un slogan au milieu des épreuves du temps, mais l’engagement patient de ceux qui savent que la vie humaine est dans la main de Dieu et que la dignité de chacun trouve sa source ultime dans le respect de Celui qui en est le Créateur.
« Qui regarde vers Dieu resplendira, sans ombre ni trouble au visage.
Un pauvre crie : le Seigneur entend, il le sauve de toutes ses angoisses. » Ps 33, 6-7
† Mgr Antoine HÉROUARD, archevêque de Dijon
Edito paru dans ECO N° 817 – Juillet-août 2024