Tout homme mérite notre charité

Pour la semaine de prière pour l’unité des chrétiens 2024, c’est le thème « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et ton prochain comme toi-même » qui nous est proposé. S’il ne fallait retenir de la Bible qu’un seul passage ; je pense que c’est cette phrase de l’Evangile de Luc qu’il faudrait vivre pour être de vrais disciples du Christ !

Rappelons-nous que, du temps de Jésus, les juifs devaient respecter plus de 600 prescriptions, directives et autres recommandations pour être de « bons » juifs aux yeux de la Loi et du Talmud. Or Jésus a enfreint ces directives à de nombreuses reprises, guérissant le jour du Sabbat, mangeant avec des prostituées et des collecteurs d’impôts, s’attirant la colère des pharisiens et autres scribes, qui cherchaient à s’en débarrasser.

La charité est la plus grande des lois

Cela explique le choix du thème de l’actuelle semaine de prière pour l’unité des chrétiens, tiré d’une scène de l’Evangile de Luc où un légiste veut mettre Jésus dans l’embarras. En effet, en lui demandant ce qu’il doit faire pour obtenir la vie éternelle, Jésus lui répond :

« Tu aimeras le Seigneur Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée et ton prochain comme toi-même ». Cette réponse résume selon St Matthieu, toute la Loi et les Prophètes et confirme l’affirmation théologale selon laquelle des trois vertus Foi, Espérance et Charité, la plus grande des trois est la Charité.

Tout homme mérite notre charité

La Loi juive ne dit pas le contraire, mais c’est dans son application qu’apparait une grande différence, illustrée par la parabole du bon samaritain qui suit la réponse de Jésus au légiste : alors qu’un samaritain s’arrête pour secourir un malheureux roué de coups par des brigands, un prêtre, puis un lévite, c’est-à-dire deux juifs, ne s’arrêtent pas ; pourquoi ? Parce que la Loi juive estimait que seuls les coreligionnaires, c’est-à-dire les juifs, devaient bénéficier d’aide, de sollicitude ! En faisant intervenir un samaritain, c’est-à-dire un juif considéré comme dissident par les vrais juifs, Jésus montre que tout homme, quelque soit son origine, mérite notre attention.

En faisant intervenir un samaritain, c’est-à-dire un juif considéré comme dissident par les vrais juifs, Jésus montre que tout homme, quelque soit son origine, mérite notre attention.

Et Jésus, aujourd’hui parmi nous, quelle parabole nous livrerait-il ? Je le verrais nous présenter un migrant africain rescapé d’un naufrage en Méditerranée, avec un chien squelettique à ses pieds, avec lequel il partage sa maigre pitance, cela à la sortie de la gare de Bordeaux ou Strasbourg. C’est l’heure de la débauche, les gens passent, pressés, sans s’arrêter ! Mais voilà qu’apparait une petite vieille, handicapée, pauvrement vêtue, qui cherche dans ses poches quelque chose à donner à ce malheureux, Elle ne fera pas que donner ; elle lui parle et une petite conversation se développe, et l’homme esquisse un sourire…… que c’est beau ! Nous serions certainement tous sensibles à une telle parabole ; mais où nous situerions-nous dans cette scène ?

Aimer et rendre grâce : charité bien ordonnée

Reprenant notre texte-clé, nous découvrons le mot essentiel : aimer ! Chez le chrétien, l’amour doit prioritairement  concerner Dieu. Mais se limiter à cette dimension, même en adorant, glorifiant Dieu passionnément, ne suffit pas. Celui qui n’aime que Dieu, et néglige donc son prochain, ne peut prétendre être chrétien. Le texte de Luc de cette semaine de prière l’illustre bien et le pape François, en soulignant l’importance de rendre grâce à Dieu pour sa sollicitude permanente et sa Création, ne cesse de souligner l’attention que nous devons porter à nos frères et sœurs. Pourtant, cette attention ne doit pas se limiter à de pieuses prières, elle doit se manifester concrètement, quelquefois par des prises de position courageuses, voire provocantes, comme l’a fait le pape François  dans l’Encyclique Laudate Si’,  son Exhortation apostolique Laudate Deus, ou encore lors de sa  contribution à la récente COP à Dubaï. De tels discours ont obligatoirement un caractère politique.

La promotion de la justice, la défense des pauvres et autres opprimés, autrement dit l’amour du prochain  sont à ce prix ! François pousse le cochonnet encore plus loin en critiquant ouvertement la politique ultralibérale où la course aux dividendes est l’objectif premier, négligeant toute considération sociale et écologique. De tels propos sont malheureusement vivement combattus par de nombreux catholiques, surtout aux Etats-Unis, qui reprochent au pape François son incursion dans le domaine politique ; estimant qu’il devrait se limiter au spirituel !

Aimer son prochain a donc de vastes répercussions ; cela non seulement pour les politiques et autres

économistes, mais aussi pour chacun d’entre nous, dans notre petite sphère d’activité ! On ne le répètera jamais assez : nous avons à repenser sérieusement nos modes de vie, cela fondamentalement selon les enseignements du pape François.

Cela dit, n‘oublions pas « tu aimeras ton Dieu », injonction qui doit motiver une profonde action de grâce et constituer le moteur pour vivre « l’amour du prochain » !

Jean-Pierre Ribaut, diacre,

Pax Christi ; Strasbourg, Bordeaux

 

(Article publié dans l’hebdomadaire catholique « AMI hebdo » du 31 Décembre 2023)

Une prière pour chaque jour de la semaine pour l’unité des chrétiens