Se former aux pratiques de la paix

Retour sur le 8e congrès de la solidarité/IRCOM.
Les étudiants du master 2 Management de la solidarité internationale et de l’action sociale de l’Ircom (Angers) se sont mobilisés pour organiser le 8e congrès de la solidarité sur les formations aux pratiques de la paix, en février 2022. Une expérience qui fait écho au DU « Justice et paix » que Pax Christi propose pour la deuxième année grâce à la Faculté de Théologie Catholique de l’Université de Strasbourg.
Rencontre avec deux des étudiants organisateurs, Deborah Bukasa et Killian Djaghloul, qui témoignent de leur engagement à promouvoir les valeurs de paix et de solidarité à travers le monde.
Pourriez-vous vous présenter en quelques lignes ?

Deborah Bukasa : Je suis congolaise et je me suis formée en master en gestion de projets humanitaires. Je me suis ensuite intéressée au travail de paix grâce à des rencontres notamment celle de Killian Djaghloul mais aussi celle de Maria Biedrawa, éducatrice spécialisée, formatrice, et diacre de paix, qui m’accompagne d’ailleurs toujours dans mon cheminement.
Killian Djaghloul : Comme je souhaitais contribuer au travail de paix grâce au dialogue intercommunautaire en contexte humanitaire, je me suis formé en gestion de projets humanitaires ainsi qu’en médiation, et je me forme actuellement au dialogue inter-religieux et à la diplomatie.

Quelle a été votre première expérience commune dans ce travail de paix ?

K.D. : Nous étions étudiants en master Management de la solidarité internationale et de l’action sociale à l’Ircom (Angers), et nous avions pour but de sensibiliser les membres des collectivités territoriales, les acteurs de terrain dans l’action sociale, mais également les forces de l’ordre, aux différentes pratiques de paix déployées en France et à l’étranger. Nous avons donc pu, dans le cadre de nos études, organiser la 8e édition du congrès de la solidarité sur ce thème.
D.B. : Notre thématique était « Se former aux pratiques de paix ». Comme la construction de paix peut se réaliser sous différentes formes, nous avons fait le choix d’en développer trois sous-thèmes : (i) la résilience individuelle et collective comme moteur de construction de paix ; (ii) le dialogue religieux comme un levier de construction de la paix et enfin (iii) la protection civile par les civils. Le but du congrès était de donner des outils, des clés, des pistes de réflexion aux différentes personnes présentes. Nous avons eu la chance d’avoir des intervenants engagés avec des profils différents comme Maria Biedrawa et Rachel Lamy, éducatrices spécialisées  ; Jean-Luc Castel, agrégé de lettres modernes  ; Cécile Dubernet, enseignante-chercheuse ; François Marchand, ingénieur en transports en commun ou encore Elise Mellon de la Cimade.

Killian Djaghloul

Deborah Bukasa

Dans quelle mesure la paix sociale est-elle importante à vos yeux ? D’où vient votre engagement à ce sujet ?

K.D. : Johan Galtung, théoricien de la science de la paix, évoque deux formes de paix : négative ou positive. La première consiste en l’absence de trouble, de violence et de guerre. La seconde se fonde sur un État de droit : la libre circulation, la sécurité humaine, et le développement sont sa finalité. Le passage de l’une à l’autre est un réel défi dans des environnements aussi complexes que des contextes humanitaires où sont impliqués de nombreux acteurs avec une variété d’intérêts, de visions, et de moyens d’action. Mon engagement vient de l’intime conviction que la paix positive se construit à partir des besoins exprimés par les populations elles-mêmes.

D.B. : Je viens d’une région qui a connu plus de trente ans de conflit et où des générations entières ont été privées du droit d’espérer et de s’épanouir. Mon engagement vient de ma profonde conviction que la paix sociale est gage du bon fonctionnement d’une société et que la résilience individuelle ou collective, les initiatives de paix par les populations civiles peuvent venir à bout des conflits les plus complexes.

Quels seraient vos conseils à des jeunes qui souhaitent s’engager dans le travail de paix ?

D.B. : Pour ma part, cela commence d’abord par un travail sur soi, apprendre à se connaître pour pouvoir cultiver la paix autour de soi, je pense que ce cheminement est nécessaire. Ensuite, s’informer sur ce qu’est le travail de paix ainsi que les différentes formes qu’il peut prendre. C’est un large champ, il me semble pertinent de trouver selon sa personnalité, ses convictions l’approche qui correspond le mieux. Il ne faut pas hésiter à s’approcher des structures autour de vous, car ce sont des personnes qui peuvent vous accompagner, partager leurs expériences et vous donner des pistes. Enfin, ne pas hésiter à se lancer ! Le travail de paix passe aussi par des actes très simples du quotidien, il peut se faire dans son quartier et il peut prendre une forme originale, artistique, sportive, etc. Il n’y a pas de condition, la forme de notre engagement nous est propre.
K.D. : Comme Deborah, je pense que la première chose est de se demander ce que signifie pour soi-même le travail de paix. En parallèle, s’interroger sur les mécanismes des conflits aux quatre coins du monde permet de repérer les dénominateurs communs. S’engager en tant que bénévole pour soutenir une association, en France ou à l’étranger, est l’occasion de rencontrer des points de vue différents et de s’interroger sur la manière dont ces représentations du monde coexistent. Par ailleurs, les conflits étant inhérents à la vie humaine, se former à la médiation, par exemple, contribue à aborder les conflits de manière plus sereine et à parvenir à les transformer ensemble ! Pour en apprendre plus sur le travail de paix, de nombreux artisans de paix comme les auteures Séverine Autesserre, Hildegaard Goss-Mayr ou encore Rachel Lamy nous donnent de précieux indices sur la non-violence et les initiatives locales qui participent à la gestion des conflits.

Propos recueillis par Bérengère Savelieff

Pour aller plus loin

Les Semaines sociales de France (SSF)

En 1904, deux catholiques, le Lyonnais Marius Gonin et le Lillois Adéodat Boissard créent les SSF, une université ouverte et itinérante à l’origine. Au fil des années, des aléas de l’histoire et des changements apportés par les présidents successifs et les équipes, celles-ci se sont transformées pour devenir un espace de rencontres, de formation et de réflexion.
En s’appuyant sur la pensée sociale chrétienne, les SSF sont ouvertes à tous ceux qui ressentent l’urgence de réfléchir et de s’engager face à l’ampleur des défis économiques, sociaux et écologiques.