Former à la paix : le pari ambitieux du DU Justice et Paix

En France aujourd’hui, il existe de nombreux parcours pour se former aux métiers du commerce international, de la diplomatie ou de l’action humanitaire avec des cours de grande qualité. En revanche, il est plus rare de trouver un programme qui associe des cours sur la géopolitique avec la notion du vivre ensemble, en lien avec d’autres apports sur l’histoire et la philosophie, la paix, les religions et les spiritualités. Dans quelle école ou université vous apprend-on à devenir acteur de paix ? A Strasbourg, depuis 2023, le DU Justice et paix développe un programme qui a cette ambition au sein de la faculté de théologie de l’université publique. Témoignages d’étudiants de la promotion 2024-2025.

« Le programme est dense ! Pour un DU, on est presque du niveau master » se confie Ayema, togolaise, religieuse de la congrégation ivoirienne Notre-Dame de l’incarnation, qui a vraiment beaucoup aimé ce programme d’étude. Arrivée en France pour étudier la psycho il y a quatre ans, elle peut se targuer, à 38 ans, de réussir sa transition professionnelle. Toute jeune psychothérapeute, elle termine sa 1ère année de master en psychologie. « Je voulais sortir de l’étude de la psyché et m’ouvrir aux contextes humains touchés par l’injustice, les conflits et la souffrance sociale. J’ai suivi ce cursus dans l’espérance en la capacité de résilience des personnes et de transformation des systèmes. »

La diversité de nos origines a permis d’entendre différents points de vue

La promotion 2024-25 comptait neuf personnes issues de 3 continents, Afrique, Asie et Europe : « Nous étions plusieurs Africains, un Russe, un Chinois et deux Français. Ce métissage est un des points forts de la formation » s’enthousiasme-t-elle. Pour Etienne, Français et jeune retraité de la finance qui s’est inscrit après une conférence d’Alfonso Zardi sur la défense européenne, « La diversité de nos origines a permis d’entendre différents points de vue très enrichissants et de nourrir les débats. »  Lui qui s’était inscrit pour mieux comprendre la mécanique européenne s’est retrouvé sur un terrain beaucoup plus large. « J’ai découvert la dimension géopolitique des guerres et de la recherche de la paix. Comme j’avais commencé ma carrière en Côte d’Ivoire, j’étais très intéressé par les cas – fréquents – qui concernaient l’Afrique. C’était totalement nouveau pour moi d’aborder l’histoire par le biais de la décolonisation. Cela m’a permis de constater combien la connaissance de l’histoire est cruciale pour comprendre les conflits d’aujourd’hui au Rwanda, au Burundi, au Mali et ailleurs. L’Afrique est un continent où chaque pays a une histoire singulière, et vu de France, ce n’est pas une évidence. »

Les enseignements construits par Pax Christi avec le CCFD, la Caritas et l’association nigériane Gerca, sont animés par des intervenants de haut niveau, en présentiel et en distanciel. Etienne témoigne encore : « Les cours sur le Moyen-Orient et sur l’histoire du terrorisme et du Djihadisme, sur la paix dans le Coran et l’instrumentalisation de ce livre ont été passionnants. En approfondissant ma connaissance des religions, j’ai découvert les racines des conflits contemporains, comme en Iran par exemple. Le cours sur la violence dans la Bible m’a aussi permis de saisir que, si la violence n’y était pas racontée, la Bible ne dirait pas le monde tel qu’il est et perdrait son sens. Les cours sur le droit humanitaire international nous ont permis d’approfondir les enjeux de la Cour Pénale Internationale (CPI) et de distinguer un crime de guerre, d’un génocide et d’un crime contre l’humanité. Depuis je comprends mieux le sens de ces mots qui s’appuient sur des textes et des organisations internationales dédiées au dialogue. Aborder froidement sous l’angle du droit des cas d’une terrible cruauté permet aussi de prendre du recul et de diminuer le facteur émotionnel. D’avoir moins peur et d’être moins naïf ». Ayema a « mieux compris encore que derrière chaque concept théorique il y a des vies humaines, des histoires et des combats pour l’humanité ». « C’est un travail permanent que de tirer le monde vers le haut » conclut Etienne.

Les étudiants du DU fêtent leur diplôme

L’année est terminée et les examens se sont bien passés « Nous avions des écrits et des oraux à produire très régulièrement. C’était intense et passionnant. J’ai surtout aimé apprendre les mécaniques de médiation sur la gestion de conflit » m’explique le père Paul, Camerounais naturalisé Français, thésard en droit canonique, qui, en mission en paroisse à Strasbourg, espère bien pouvoir contribuer à la paix dans les communautés chrétiennes, et pourquoi pas au Cameroun quand il y retournera. Ayema va utiliser le cours sur les médias et la communication pour rédiger les projets de sa communauté et Etienne, réfléchit encore à son engagement futur. Mais une chose est sûre, ils ont tous envie de rendre ce qu’ils ont reçu en agissant dans leur environnement habituel ou dans les commissions justice et paix de leur pays respectifs.