Perdre des enfants ou en gagner ?

Le calendrier est ainsi fait que peu de temps après avoir fait mémoire de la première guerre mondiale, nous entrons dans le temps de l’Avent, temps d’attente du Seigneur Jésus Prince de la Paix. Après l’évocation du désastre absolu de la guerre de 1914-1918, l’Église, avec la naissance du Christ nous rappelle encore et toujours que la paix est possible. Elle est un choix personnel et communautaire.
Ce 18 novembre, le Général Mandon, chef d’État-major des armées, dans une intervention au congrès des Maires de France, s’est inquiété de notre force d’âme, de notre capacité à accepter de perdre des enfants… Son porte-parole dira en soirée « un pays qui ne comprend pas cela est un pays faible »

Certains penseront qu’il est dans son rôle quand d’autres estimeront qu’il n’est pas de sa qualité de tenir ces propos.
Trois questions et une évocation de l’éthique de la paix.

« Accepter de perdre des enfants »

Ici ce sont les parents qui sont concernés, les victimes sont muettes, sacrifiées au sens où on sacrifie un animal, une personne à une divinité. Dans le récit du sacrifice d’Isaac (Gn 22, 1-14) Abraham découvre un Dieu au-delà de ses représentations. Au sacrifice, se substitue le don à celui qu’on aime. Une vraie libération pour lui et pour nous tous.
Se sacrifier ou donner sa vie : en miroir du récit biblique, nous voyons le Christ qui librement donne sa vie pour ceux qui l’aiment terrassant ainsi le mal qui nous accable. Existe-t -il une cause plus élevée ?
Trois questions : Qu’en est-il du respect de la liberté des personnes, ici des enfants ? Quelles sont les causes qui méritent de sacrifier sa vie jusqu’à mourir ? De quel réarmement moral avons-nous besoin pour répondre aux deux premières ?

Préparer la guerre ou préparer la paix

Deux projets bien distincts. Pax Christi soutient évidemment le second. Si nous sommes pour l’interdiction de l’arme nucléaire et le désarmement, nous savons aussi qu’un pays doit se préserver d’éventuelles agressions. Le contexte actuel demande d’être prudent et prévoyant. Mais nous savons aussi qu’il existe une panoplie de moyens avant d’envisager l’usage de la force.

Construire une éthique de la paix juste est un moyen de coopération politique pour le bien commun, le respect de la dignité de toutes les personnes et du monde naturel, pour prévenir la violence avant son déclenchement et la transformation du conflit par des stratégies non violentes.

 

Un travail continu en trois parties

Savoir traiter les conflits avant qu’ils se développent, les stopper et trouver une issue juste. Ces parties peuvent être en intersection. La paix doit s’apprendre à tous les âges de la vie.

Développer des compétences pour traiter les conflits de manière constructive : développement de la vie spirituelle, des compétences psychosociales, de la communication non violente… La compétence du discernement est essentielle pour analyser les récits qui mènent à l’affrontement. Pas de guerre qui ne soit portée par un récit construit progressivement. Les propos tenus font partie d’un récit. Dans toutes les situations, nous devons interroger les faits, les mots, repérer les représentations, les préjugés…

Briser le cycle de conflits destructeurs et de la violence : réhumaniser, reconnaître les préjudices, développer des actions non violentes, désarmer…

Le non-respect du droit international est la principale cause de la difficulté à briser les cycles de violence dans les guerres dont les médias se font l’écho en temps réel. Il faut interroger les gouvernants sur leur respect du droit et consécutivement leurs obligations.

Construire une paix durable : développement de la société civile, gouvernance juste, respect des droits humains, justice économique et sociale… Plusieurs guerres actuelles relèvent de la prédation. Pas de paix sans paix économique. Chacun est concerné personnellement et collectivement.

Affirmons notre esprit de résistance

Choisissons de donner la vie plutôt que la mort dans une élévation spirituelle qui est force d’âme. « Le réarmement moral » auquel nous sommes conviés est de préparer des citoyens responsables, « des résistants non violents ». Là sera notre force.
Avant d’accepter d’entrer progressivement dans un récit qui peut mener au conflit, avant « d’accepter de perdre des enfants », propos d’une extrême violence, sachons prendre du recul. « Gagnons des enfants » en leur donnant les moyens personnellement et collectivement de construire, à tous les niveaux de la société, une culture de paix. Si dans notre pays et en Europe, beaucoup a été fait, nous savons qu’il reste beaucoup à faire. Un ministère de la Paix, doté de quelques moyens, ne serait pas en manque d’activité !

« Mon âme est en moi comme un enfant » Ps 130

HD