Goma dévastée, plan de crise en RDC

A Goma, en République démocratique du Congo (RDC), les populations paient le prix fort des récents affrontements entre l’armée congolaise et les rebelles du M23. La saison des pluies rend la situation humanitaire encore plus désastreuse et au 31 janvier 2025, le plan de crise a été activé. Voici l’état des lieux à cette date grâce aux informations transmises par le père Dieudonné Musanganya Murhula. Retrouvez aussi son témoignage dans l’article RDC, retour au calme relatif, pour combien de temps ? Une interview qu’il nous a accordé le 6 février.

Fin janvier, le groupe armé M23, un groupe actif depuis 2022, a semé la panique en République démocratique du Congo avec le soutien de ses alliés rwandais.

De nombreuses familles ont fui à Gisenyi au Rwanda où, au bout de 48h, elles sont automatiquement déclarées réfugiées et sont confinées dans le Camp de MUKAMIRA. Dans le même temps, contrairement à toutes règles administratives, les M23 ont mis en place leurs propres services de sécurité et contrôlent, ou bloquent, la circulation des personnes entre le Congo et la Ville de Gisenyi.
D’autres ont eu la chance d’être accueillis dans des familles d’accueil qui se retrouvent débordées. Les vivres et les biens de première nécessité manquent pour assurer la survie des familles accueillies. Du côté des enfants non accompagnés, certains sont hébergés dans des maisons d’accueil.

Mobilisation générale

Grâce à des fonds propres et aux cotisations des familles, le Conseil National des ONG Humanitaires et de Développement de la RDC (CONAFOHD RDC), a mis en place, en collaboration avec AFRICA RECONCILED, trois sites de chloration de l’eau dont 700 familles ont pu bénéficier. L’AVUDS, une autre association agissant pour la sécurité alimentaire, a aussi installé des points d’eau potable et de distribution de biscuits avec l’appui de l’UNICEF.
Le Centre d’Assistance et de Promotion de Droits Humains (CAPDH) a réparé le moteur de pompage de la Régie de Distribution d’Eau local (REGIDESO) et fait ouvrir la vanne d’alimentation en eau potable. Le centre international de la Croix Rouge (CICR) fournit du carburant aux générateurs des morgues et à la station de pompage de l’eau. Les bénévoles de l’association de Solidarité pour l’Emergence de la Famille (SEFA) aident la Croix Rouge au ramassage des cadavres, dont certains sont en décomposition avancée.
L’ONG féminine de droit congolais travaillant pour la promotion et la protection des droits des femmes et des enfants à l’Est de la RDC (DFJ) et l’association congolaise de promotion et de défense des droits des femmes (AIDPROFEN) identifient et suivent les cas de violences basées sur le genre (VBG) et autres violations des Droits Humains. L’association d’Actions Humanitaires et d’Aide au Développement Intégré (Ahadi-Rd Congo) ont activé leur programme de protection des femmes et des enfants.
Une autre organisation mobilise et forme des bénévoles à identifier, ramasser et supprimer les effets militaires abandonnés. Les blessés militaires ont aussi été nourris, abreuvés et orientés par la communauté vers les structures de prise en charge médicale.

Une situation conflictuelle ancienne

Ce mouvement, dit du 23 mars, est un groupe qui s’est créé en mai 2022 avec des officiers de l’armée en rébellion contre le gouvernement congolais de RDC dans le contexte de lutte entre Kinshasa et Kigali autour des nombreuses richesses naturelles de la région. La RDC accuse le Rwanda de les piller, alors que le Rwanda dément et dénonce la présence, côté congolais, de groupes hostiles. Ces conflits sont un contrecoup du génocide rwandais de 1994.
Fin janvier, le M23 et l‘armée rwandaise ont mené plusieurs offensives massives contre l’armée de la république démocratique du Congo (FARDC) à l’est du pays. Ils occupent désormais Goma, le chef-lieu du Nord-Kivu où ils ont confiné dans le Stade de l’Unité les militaires FARDC, des Wazalendu qui s’étaient rendus, et de nombreux jeunes civils extérieurs aux affrontements, avant de les déporter vers une destination inconnue.
La population civile est la première victime de ces affrontements. Le danger est partout et l’urgence au plus haut niveau.

Capture d’écran vidéo RFI du 06_02_25
Le chantier est considérable

Au 31 janvier, la cellule de crise a été activée et les ONG ont mis en œuvre leurs plans de sécurité. Toutes les organisations sont sur le pont pour identifier les familles d’accueil, assainir les 18 quartiers de la ville, identifier les enfants non accompagnés (ENA), suivre et accompagner les personnes victimes de violences basées sur le genre et autres violations des Droits Humains et de les référencer. Ils poursuivent le ramassage des effets militaires en faisant très attention aux engins explosifs, apportent une éducation nutritionnelle aux familles et à la communauté, déploient un accompagnement psychosocial, plaident pour la remise en fonction de l’Internet et des réseaux de communication, et pour l’assistance alimentaire des familles d’accueil. Ils identifient les personnes âgées et les personnes handicapées en situation d’urgence. Ils font une évaluation multisectorielles de la situation.

Capture d’écran vidéo RFI le 06_02_25
Une crise sanitaire et sécuritaire qui s’est encore amplifiée

Goma concentrait plusieurs dizaines de milliers de familles déplacées, installées dans des camps de fortune à la périphérie de la ville. Ces quartiers étaient dominés par les “Wazalendo”, des miliciens locaux issus de ces familles. Les conflits ont eu pour effet de faire fuir la population, de laisser des armes et effets militaires à la portée de toutes les mains, de libérer plus de 4 400 détenus qui errent dans les rues, tuent, pillent, violent et rançonnent au même titre que ces Wazalendo et autres hommes armés.

L’eau potable, l’électricité, la monnaie, internet sont devenus très difficiles d’accès. Le prix des denrées alimentaires a flambé. Les abris de fortunes des familles démunies ont été détruits et la ville risque d’être inondée à cause des pluies et des détritus de toutes sortes qui jonchent le sol et risquent de boucher les caniveaux.

Les générateurs des chambres froides des morgues sont à l’arrêt, et leur capacité d’accueil du corps des nombreuses victimes (environ 800 militaires et une centaine de civils) est largement dépassé. Les risques d’épidémies sont élevés et les hôpitaux, débordés, manquent cruellement de moyens.

Les dangers encourus par la population sont multiples : balles perdues, ingestion d’eau polluée, malnutrition, manipulation dangereuse d’engins explosifs, viols et assassinats. Les femmes en situation de stress qui accouchent brutalement, les enfants qui errent non accompagnés… Dans une ville plongée dans l’obscurité depuis au moins une semaine au 31 janvier, l’insécurité est partout.