À Jérusalem, les chrétiens palestiniens étouffent

L’ accès aux lieux sacrés : un privilège devenu rare

Depuis les accords d’Oslo II en 1995, la Cisjordanie est divisée en zones contrôlées par des autorités différentes, mais l’armée israélienne garde la main sur les déplacements entre ces zones. Il en résulte que les Palestiniens doivent obtenir de la part des militaires un permis pour franchir les checkpoints vers Jérusalem; notamment le tristement célèbre point de contrôle 300, à l’entrée de Bethléem. Les chrétiens, comme les musulmans, peinent donc de plus en plus à pratiquer librement leur foi.

Les nouvelles procédures, notamment via l’application militaire « Al Munasiq », inquiètent. L’avocate Dalia Qumsieh dénonce un système arbitraire qui porte atteinte à la vie privée et à la pratique de sa foi. Même lorsque les autorisations sont délivrées, elles le sont de manière individuelle, divisant et séparant les familles et les communautés.

Jérusalem : ville sainte sous surveillance

La division de Jérusalem — l’Est annexé par Israël en 1967 — est au cœur des tensions. Les lieux saints chrétiens, notamment le Saint-Sépulcre, sont devenus des zones bouclées, où les célébrations religieuses sont surveillées, limitées, voire entravées. La police israélienne invoque des raisons de sécurité, mais les fidèles parlent de répression.

La cérémonie du Feu Sacré (un miracle qui se produit chaque année à l’église du Saint-Sépulcre) en est un symbole fort : autrefois rassemblement de plusieurs milliers de personnes, elle est désormais drastiquement restreinte. Hani Boullata, responsable orthodoxe, témoigne avoir été frappé avec son fils en tentant d’accéder à une église. Des chorales entières se voient refuser l’entrée. Cette Pâque est vécue comme une Pâque sous occupation.

Les chrétiens : une communauté en déclin

En 1922, les chrétiens formaient 25 % de la population de Jérusalem. En 2024, ils sont moins de 1 %. Une étude récente révèle que plus d’un tiers d’entre eux envisagent d’émigrer, face à une pression croissante, à la fois physique et psychologique. Les attaques antichrétiennes se multiplient. Le Centre Rossing a recensé 111 incidents en un an, principalement perpétrés par des extrémistes juifs ultra-orthodoxes. Crachat, harcèlement, violences physiques : les prêtres sont désormais pris pour cibles dans leur propre ville.

Le quartier arménien : cas emblématique

La communauté arménienne, présente à Jérusalem depuis le IVe siècle, est également menacée. Un bail controversé de 98 ans, signé sans consultation communautaire, pourrait céder un quart du quartier arménien à un promoteur israélien. L’objectif : construire un hôtel de luxe. Face à ce qu’ils considèrent comme une trahison, des jeunes comme Kegham Balian occupent le terrain depuis plus de 500 jours. Il savent que s’il perdent cette terre, il disparaîtront de terre Sainte en une ou deux générations. Pour lui, cette affaire dépasse la simple question immobilière : c’est l’effacement d’une histoire millénaire qui se joue.

Des pierres vivantes menacées

Pour les chrétiens palestiniens, Jérusalem est plus qu’un lieu saint : c’est un foyer. Pour George Sahhar, dont la famille vit dans la ville depuis 250 ans, ce sont eux les pierres vivantes de ces lieux; les églises ne seraient que des lieux morts sans leur présence. Alors que le gouvernement israélien poursuit une politique de plus en plus ultranationaliste, les chrétiens de Jérusalem tirent la sonnette d’alarme : leur foi, leur culture, leur droit d’exister dans la ville sainte sont en danger.