Artisans de paix à la suite du pape François

Le pape François s’est éteint ce lundi de Pâques et a été accompagné jusqu’à sa dernière demeure en présence du monde entier samedi 26 avril. Touché par son témoignage de vie et sa pensée, le p. Nicodème Esbey ATTOUBOU, y trouve des pistes inspirantes pour nourrir une posture d’artisan de paix.
Le parcours de Jorge Mario Bergoglio

Le Pape François, de son vrai nom Jorge Mario Bergoglio, est né le 17 décembre 1936 à Buenos Aires en Argentine. Ses parents, Mario José Bergoglio et Regina Maria Sivori, étaient de fervents chrétiens. Il a donc grandi dans une famille profondément chrétienne.

En 1953, alors âgé de 17 ans, il vit une expérience spirituelle majeure : lors d’une confession, Dieu se révèle à lui comme un « Dieu riche en miséricorde ». Cette expérience le marquera à telle enseigne qu’il prendra une décision radicale : rentrer dans les ordres. À l’âge de 21 ans, à l’issue d’une épreuve douloureuse, à savoir l’ablation d’une partie de son poumon droit, il intègre la Compagnie de Jésus. Au terme de sa formation philosophique et théologique dans divers pays, il est ordonné prêtre le 13 décembre 1969. Il occupe aussitôt de hautes responsabilités, entre autres, Maître des novices (1971-1972), Provincial (1973-1979). Il sera nommé par Jean-Paul II évêque auxiliaire de Buenos Aires le 20 mai 1992, puis coadjuteur du même archidiocèse le 3 juin 1997. Le 28 février 1998, il en devient l’archevêque métropolitain. Comme évêque, il est à la fois proche des pauvres et des prêtres de son diocèse. Par sa proximité et son écoute légendaire, il leur fera comprendre que la civilisation de l’amour n’est pas une vue de l’esprit : il est possible de l’instaurer dans notre monde.

La paix, un chemin

Créé cardinal-prêtre le 21 février 2001, il gardera la même ligne – vivre son sacerdoce comme un service – jusqu’à son élection papale le 13 mars 2013. Il décide ainsi de prendre le nom de « François » en mémoire du Povellero d’Assise : saint François d’Assise. Dans sa première Exhortation apostolique, Evangelii Gaudium, La joie de l’Évangile, dans un langage accessible, il révèle au monde sa manière de croire et de communiquer la foi de l’Église. En substance, ses écrits nous rappellent que toute vie sociale authentique repose sur l’amour et que celui-ci engage toute la personne avec son corps, ses affections, son intelligence, son âge et sa maturité, sa masculinité et sa féminité. Sur cette base significative, on peut logiquement déduire que la paix dont il fut le messager, est un fruit qui pousse sur la tige de l’amour. Selon le Pape François, la paix suppose la prise en compte de quatre éléments : le temps, l’unité, la réalité et la totalité. Ces quatre références donnent à comprendre que la paix doit toujours s’inscrire dans un processus : la construction de la paix nécessite, à bien des égards, d’effectuer un long cheminement. À ce titre, le Pape François écrit dans Evangelii Gaudium :

« Nous devons toujours nous rappeler que nous sommes pèlerins, et que nous pérégrinons ensemble. Pour cela il faut confier son cœur au compagnon de route sans méfiance et viser avant tout ce que nous cherchons : la paix dans le visage de l’unique Dieu. Se confier à l’autre est quelque chose d’artisanal ; la paix est artisanale. » (EG, n°244)

Devenir artisan de paix

Ce passage nous révèle les principales caractéristiques de l’artisan de paix. Il est avant tout un pèlerin qui entrevoit son engagement en faveur de la paix dans la dynamique de la « synodalité », c’est-à-dire d’un « marcher ensemble ». La construction de la maison de la paix suppose une double attitude : d’une part, travailler main dans la main avec les autres ; d’autre part, travailler dans un climat de confiance mutuelle. Selon le Pape François, la paix est possible. En effet, elle se laisse voir au travers des échanges humains, du moins au détour d’une rencontre fraternelle qui déborde de gestes de compassion et de paroles de consolation.

Le 21 avril 2025, lundi de Pâques, le Pape François s’est endormi dans la paix de Dieu. Certes, sa disparition est une grande perte pour l’Église et le monde de ce temps, mais elle révèle aussi l’immense testament spirituel qu’il laisse aux chrétiens et aux hommes de bonne volonté. Il faudra plusieurs décennies pour les exploiter convenablement. Cela dit, pour explorer l’immensité du testament spirituel du Pape François, nous pouvons débuter par une entrée précise : ses messages adressés au monde lors des Journées mondiales de la paix, de 2014 à 2025. En guise de reconnaissance pour tout ce que le Pape François m’a apporté personnellement, plus particulièrement lors de la rédaction de ma thèse de Doctorat en Théologie sur la « Pédagogie de la paix de Pax Christi-France », j’ai souhaité rassembler dans ce recueil une sélection des plus belles réflexions du Pape François sur la paix. Avec le désir que ces réflexions aident chacun de nous à se mettre à l’école de cet infatigable artisan de paix : le Pape François nous invite à devenir des artisans de paix par notre témoignage et notre qualité de vie.

Fraternité, Non-violence et paix : extraits de messages du pape François pour la journée de la paix du 1er janvier
La fraternité, fondement et route pour la paix, 2014
  1. « Dans mon premier message pour la Journée mondiale de la Paix je désire adresser à tous, personnes et peuples, le vœu d’une existence pleine de joie et d’espérance. Dans le cœur de chaque homme et de chaque femme habite en effet le désir d’une vie pleine, à laquelle appartient une soif irrépressible de fraternité, qui pousse vers la communion avec les autres, en qui nous ne trouvons pas des ennemis ou des concurrents, mais des frères à accueillir et à embrasser. »
  2. « La fraternité est une dimension essentielle de l’homme, qui est un être relationnel. La vive conscience d’être en relationnous amène à voir et à traiter chaque personne comme une vraie sœur et un vrai frère ; sans cela, la construction d’une société juste, d’une paix solide et durable devient impossible. Et il faut immédiatement rappeler que la fraternité commence habituellement à s’apprendre au sein de la famille, surtout grâce aux rôles responsables et complémentaires de tous ses membres, en particulier du père et de la mère. La famille est la source de toute fraternité, et par conséquent elle est aussi le fondement et la première route de la paix, puisque par vocation, elle devrait gagner le monde par son amour. »
La Non-violence : style d’une politique pour la paix, 2017

« Je souhaite m’arrêter sur la non-violence comme style d’une politique de paix et je demande à Dieu de nous aider tous à puiser à la non-violence dans les profondeurs de nos sentiments et de nos valeurs personnelles. Que ce soient la charité et la non-violence qui guident la manière dont nous nous traitons les uns les autres dans les relations interpersonnelles, dans les relations sociales et dans les relations internationales. Lorsqu’elles savent résister à la tentation de la vengeance, les victimes de la violence peuvent être les protagonistes les plus crédibles de processus non-violents de construction de la paix. Depuis le niveau local et quotidien jusqu’à celui de l’ordre mondial, puisse la non-violence devenir le style caractéristique de nos décisions, de nos relations, de nos actions, de la politique sous toutes ses formes ! »

« La construction de la paix au moyen de la non-violence active est un élément nécessaire et cohérent avec les efforts permanents de l’Église pour limiter l’utilisation de la force par les normes morales, par sa participation aux travaux des institutions internationales et grâce à la contribution compétente de nombreux chrétiens à l’élaboration de la législation à tous les niveaux. Jésus lui-même nous offre un ‘‘manuel’’ de cette stratégie de construction de la paix dans le Discours sur la montagne. Les huit béatitudes (cf. Mt 5, 3-10) tracent le profil de la personne que nous pouvons qualifier d’heureuse, de bonne et d’authentique. Heureux les doux – dit Jésus –, les miséricordieux, les artisans de paix, les cœurs purs, ceux qui ont faim et soif de justice. »

« J’assure que l’Église catholique accompagnera toute tentative de construction de la paix, y compris par la non-violence active et créative. […] Chaque action dans cette direction, aussi modeste soit-elle, contribue à construire un monde libéré de la violence, premier pas vers la justice et la paix. »

Personne ne peut se sauver tout seul, 2023
  1. « Que nous est-il donc demandé de faire ? Tout d’abord, de nous laisser changer le cœur par l’urgence que nous avons vécue, c’est-à-dire permettre à Dieu, à travers ce moment historique, de transformer nos critères habituels d’interprétation du monde et de la réalité. Nous ne pouvons plus penser seulement à préserver l’espace de nos intérêts personnels ou nationaux, mais nous devons y penser à la lumière du bien commun, avec un sens communautaire c’est-à-dire comme un « nous » ouvert à la fraternité universelle. Nous ne pouvons pas continuer à nous protéger seulement nous-mêmes, mais il est temps de nous engager tous pour guérir notre société et notre planète, en créant les bases d’un monde plus juste et plus pacifique, effectivement engagé dans la poursuite d’un bien qui soit vraiment commun. »
Prière du pape

Accorde-nous ta paix, Seigneur !

Remets-nous nos dettes, Seigneur,
comme nous les remettons à nos débiteurs,
et, dans ce cycle de pardon, accorde-nous ta paix,
cette paix que Toi seul peux donner
à ceux qui se laissent désarmer le cœur,
à ceux qui, avec espérance, veulent remettre leurs dettes à leurs frères,
à ceux qui confessent sans crainte qu’ils sont tes débiteurs,
à ceux qui ne restent pas sourds au cri des plus pauvres.

Ainsi soit-il !

Pape François (1936-2025)