Au cours du XXe siècle, parmi ceux qui ont enseigné la paix chrétienne aux âmes, il y a certainement le père Bernard Lalande. Ce qui le caractérise, c’est que sa science de la paix tend toujours à la piété. En effet, elle s’adresse au cœur parce qu’elle vient de son cœur. Au fil de ses écrits, la fresque de la paix qu’il tente de dépeindre, laisse entrevoir les ressorts de « l’Évangile de la paix » et des fondements spirituels de la paix. À présent, parcourons ensemble quelques traits de sa vie et de sa science de la paix.
Qui est Bernard Lalande ?
Né le 4 octobre 1910 à Lille, Bernard Lalande est issu d’une famille chrétienne. En 1928, après ses études secondaires à Nancy au collège de Malgrange, il entre au séminaire de Saint Sulpice. En octobre 1934, il fut ordonné prêtre à l’église Saint Sulpice. À l’âge de 35 ans, il devient le secrétaire particulier du cardinal Emmanuel Suhard. Il assumera cette fonction jusqu’à la mort, en 1949, de l’Archevêque de Paris.
De 1950 à 1976, le père Bernard Lalande fut un vaillant serviteur de la cause de la paix. Que ce soit au plan national ou international, il fait montre de tout son savoir pour nourrir les jeunes et les adultes à la sève de l’Évangile de la paix. À ce propos, en 1974, dans la ferveur du synode romain sur l’Évangélisation, il écrit : « L’Évangile de la paix apporte un pouvoir à la paix des hommes. La paix du Christ pousse à l’engagement, au service de la « Révolution de l’Évangile ». Elle est mobilisatrice. Elle convoque les croyants et appelle les hommes de bonne volonté[1]. » Très actif au sein du Mouvement Catholique International pour la Paix, le père Bernard Lalande fut respectivement secrétaire général, délégué ecclésiastique de la Section française et Secrétaire international. En 1962, désigné expert au Concile Vatican II, il fit en sorte qu’on puisse accorder une place à la « paix » et qu’il y ait, par le fait même, une « parole forte » des Pères conciliaires sur les questions guerre et paix.
C’est au moyen des congrès, des formations, des conférences, des routes internationales et des centres de rencontre qu’il a su communiquer sa vision de la paix, à savoir une conjugaison de l’enseignement de l’Église sur la paix ainsi que de ses connaissances humaines et philosophico-théologiques.
Au début des années 80, après avoir servi l’Église et sa Patrie, le père Bernard Lalande profita d’une retraite bien méritée à la maison Marie-Thérèse sise au 277 Boulevard Raspail. Il y demeura jusqu’à sa mort le jeudi 2 avril 1998, à quelques jours de la fête des Rameaux.
Découvrons maintenant la marque distinctive du père Bernard Lalande : comme membre actif de Pax Christi, il a largement contribué à son rayonnement en France et dans le monde.
Comment concevait-il le Mouvement Catholique International pour la Paix ?
Selon lui, Pax Christi est non seulement un Mouvement, mais il est aussi et surtout un Mouvement catholique. En tant que « Mouvement », il n’est « pas seulement une somme de sympathisants isolés, mais une communauté internationale visible, vivante, implantée, structurée et en marche[2]. » En ce sens, il est constitué des membres collectifs – des Sections nationales – c’est-à-dire des pays adhérents – qui sont organisés et structurés en fonction de leurs contextes respectifs et des membres individuels – car il comporte dans chacun de ses pays adhérents des militants et des sympathisants.
Par ailleurs, Pax Christi est un Mouvement catholique. Comme tel, il est dans l’Église catholique et à son service. Selon le père Bernard Lalande, dès sa fondation, Pax Christi a choisi l’Église. Par ce choix, il a été lié et approuvé par l’Église. Le père Bernard Lalande emploie une belle formule pour traduire ce lien : « Pax Christi a choisi l’Église et l’Église a choisi Pax Christi ». À maintes reprises, il s’est plu à préciser les avantages de ce choix :
« Ayant choisi l’Église, Pax Christi a reçu et reçoit d’elle, en même temps et par le fait même, l’inégalable apport de tout son réseau capillaire : diocèse ; paroisses ; institutions, ordre religieux, presse, secteur scolaire. Et tout le patrimoine de son enseignement spirituel, doctrinal, social et pastoral relatif à la guerre et à la paix. En retour, le Mouvement Pax Christi s’efforce, à sa mesure, d’aider l’Église à dire et à faire la paix, en lui apportant des expériences, des idées, des explorations et, surtout, des militants actifs et formés, face aux objectifs majeurs et renouvelés, de la paix civique et internationale[3]. »
Pour lui, même si Pax Christi ne peut pas tout pour la paix, il peut cependant rassembler les croyants et les hommes de bonne volonté dans un effort commun de prière, d’étude et d’action en faveur de la paix internationale.
Le père Nicodème Attoubou est originaire du Côte d’Ivoire, prêtre coopérateur dans le diocèse de Nantes et docteur en théologie.
Il est l’auteur d’une thèse sur l’histoire de Pax Christi : » PAX CHRISTI-FRANCE ET SA PÉDAGOGIE DE LA PAIX 1945-2023″.
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Quelle est sa perception de la paix ?
À travers ses écrits, on se rend compte que le père Bernard Lalande fait l’apologie d’une paix positive et dynamique. Il ressort de ses affirmations que la paix est :
- L’histoire d’une société réussie,
- Le développement,
- Le profond désir de l’humanité,
- Une réalité qui ne se décrète pas.
En se basant sur ces quatre postulats de la paix, il tire la conclusion suivante : « La paix est l’œuvre de tous : la paix pour tous, la paix par tous[4]. »
Il sous-entend par-là que toute l’humanité est concernée par la paix. Néanmoins, il admet qu’il faut des mouvements spécialisés qui aident les membres de la famille humaine à prioriser la quête de la paix.
C’est le cas notamment de Pax Christi qui cherche à assurer, là où il est implanté, un service de paix, à tous les niveaux de la vie. Le père Bernard Lalande souligne que « sa présence – à l’Église et à la société – est et se veut géographique et fonctionnelle[5]. » Aussi le Mouvement Pax Christi s’efforce-t-il d’être un espace de rencontre et un ressourcement de militants diversement engagés. Pour lui, l’existence de Pax Christi est salutaire : il comble un vide dans l’action des chrétiens pour la paix. Il contribue également à les préserver de deux excès :
- Un risque de désacralisation de la paix.
- Un risque d’évasion spirituelle dans la quête de la paix.
À vrai dire, le père Bernard Lalande revendique l’existence d’une paix chrétienne. Elle se distingue nettement de la paix des hommes. Il est convaincu que la paix chrétienne ou la paix de Dieu révèle à elle-même la paix des hommes :
« La paix de Dieu exerce, dit-il, à l’égard de la paix temporelle, un certain nombre de fonctions. Une fonction de « sens », de signification, d’éclairage sur la finalité réelle de l’histoire et des civilisations […] La paix chrétienne a aussi pour intention et pour effet de dynamiser la Paix des hommes[6]. »
Il faut noter que le père Bernard n’oppose pas ces deux réalités de la paix. Il reconnaît cependant l’existence d’une tension bipolaire entre la paix des hommes et la paix chrétienne ou de Dieu. À cet égard, il écrit : « Il n’est pas demandé aux chrétiens de faire, à part, une paix chrétienne, mais de faire en chrétiens, à la manière chrétienne, la paix commune à tous les hommes[7]. »
Pour mener à terme cette présentation, il importe d’évoquer un autre aspect de sa perception de la paix : la spiritualité de la paix.
Comment conçoit-il la spiritualité de la paix ?
« Jésus posa sur eux son regard et dit : « Pour les hommes, c’est impossible, mais pour Dieu tout est possible[8]. » En faisant référence à ce passage de l’Évangile selon Saint Matthieu, le père Bernard Lalande rappelle qu’il en va de même pour la paix. En effet, si elle est impossible à l’homme, elle est possible pour Dieu. C’est cette raison fondamentale qui pousse les hommes à adresser une prière à Dieu afin qu’Il fasse don de sa paix au monde : la prière pour la paix atteint le cœur de Dieu. Elle est une solution viable pour obtenir la paix du monde. À celles et ceux qui s’insurgent contre l’efficacité de la prière comme solution valable dans la promotion de la paix du monde, le père Bernard Lalande rétorque en disant : « La prière est action, mais ne dispense pas pour autant de l’action. En aucun point, en aucun temps de notre effort pour la paix, nous ne devons oublier ni disjoindre cette double et unique dimension[9]. »
L’idée qu’il se fait de la spiritualité de la paix résulte de la rencontre entre le désir de paix et sa réalité au regard de l’histoire. Pour lui, la spiritualité de la paix s’alimente non seulement dans le réservoir de ce qu’il appelle l’humanisme universel, mais aussi de la Révélation chrétienne. Il la conçoit en ces termes :
« La spiritualité de la paix, elle-même, n’est pas affaire d’improvisation ou de sentimentalisme. Elle doit puiser aux grandes sources de l’humanisme universel et de la Révélation. Elle a mission d’en diffuser les textes majeurs capables d’inspirer notre temps. Elle doit retrouver ou susciter ses Écoles – ses écoles de spiritualité – ses saints, ses écrits, son style propre ; bref, découvrir ses méthodes, afin de se mieux incarner, car, pour reprendre Péguy, « le spirituel est lui-même charnel. »
De ce qui précède, il s’ensuit clairement que le père Bernard Lalande était un artisan de paix. 25ans après sa mort, il nous redit à la suite du Pape Paul VI que « la paix est possible ». L’éloquence de sa science de la paix est une invitation à ne pas succomber à la tentation de restreindre le « combat pour la paix » à sa seule dimension politique. La paix de demain exige la prise en compte de la dimension politique et spirituelle de la paix dont la spiritualité de la paix est le trait d’union.
Père Nicodème ATTOUBOU, Docteur en théologie
[1] LALANDE, Bernard. « L’Évangile et la paix ». In Journal de la Paix, n° 223, 1974, p.3. [2] LALANDE, Bernard. « Pax Christi international / origine », Archives historiques du diocèse de Paris, boîte 5/ 3K. [3]Ibid. [4] LALANDE, Bernard. « Des mouvements pour la paix ». In Journal de la Paix, n°220, mai 1974, p. 3. [5] LALANDE, Bernard. « Pax Christi international / origine », Archives historiques du diocèse de Paris, boîte 5/ 3K. [6] LALANDE, Bernard. « Des mouvements pour la paix ». In Journal de la Paix, n°220, mai 1974, p. 3. [7] LALANDE, Bernard. « Des mouvements pour la paix ». In Journal de la Paix, n°220, mai 1974, p. 3. [8] Mt 19, 26. [9] Lalande, Bernard. « Possible et difficile ». In Journal de la paix, n°144, novembre 1966, p. 3.