Il existe des contextes géopolitiques où l’identité se construit sur l’appartenance à un groupe confessionnel. C’est le cas en Bosnie-Herzégovine, qui a connu, il y a vingt ans, une guerre opposant les groupes ethniques et religieux. Dans cette situation post-conflit, les acteurs de paix travaillent surtout à reconstruire un sentiment de citoyenneté qui rassemble toutes les confessions, à l’exemple du Conseil interreligieux de Bosnie-Herzégovine.
Avec plus d’un quart de décennie d’existence, et en l’absence de projet de cohésion sociale soutenu par l’État, le Conseil interreligieux de Bosnie-Herzégovine, ainsi que le programme scolaire d’éducation civique de l’ONG Civitas , sont devenus de véritables symboles des efforts de réconciliation après la guerre sanglante du début des années 90, qui a fait 100 000 morts et plus de 2,2 millions de personnes déplacées (Civitas est un centre pour l’éducation civique en Bosnie-Herzégovine, qui travaille au développement et à la mise en œuvre de programmes éducatifs de qualité, de matériel pédagogique et de formation des enseignants pour l’enseignement préscolaire, primaire, secondaire et universitaire).
Les religions et l’ethnicité
Le Conseil interreligieux de Bosnie-Herzégovine (B&H) a été fondé en 1997 grâce aux efforts conjoints des communautés islamique, catholique et juive de B&H ainsi que de l’Église orthodoxe serbe, avec pour objectif de favoriser la réconciliation entre les peuples.
Dans ce pays où la religion est assimilée à l’appartenance ethnique, le conflit a des racines profondes. Bien que cette guerre ne soit pas une guerre de religion, elle a opposé les Serbes orthodoxes, les Croates catholiques et les Bosniaques musulmans. Les Juifs ont tenté d’aider leurs concitoyens par l’intermédiaire des communautés juives réparties dans tout le pays, en distribuant de la nourriture, des médicaments et d’autres aides humanitaires aux civils de tous les groupes ethniques. La ségrégation d’après-guerre et l’esprit de division des autorités ont continué à intensifier la politisation destructrice de l’ethnicité. À l’exception de Sarajevo, qui a une longue histoire d’intégration ethnique et religieuse, les habitants de nombreuses villes n’avaient que de rares interactions interethniques dans leurs communautés.
Le plus grand obstacle à la réconciliation vient des élites ethniques qui ont créé un récit dans lequel chaque groupe a toujours été victime de l’injustice des autres et ne fait que défendre ses droits. Une personne ne peut accepter le point de vue d’une autre sans diminuer le sien.

Favoriser l’amitié entre jeunes de différentes religions
De nombreuses organisations de la société civile et des particuliers ont également participé à des projets de soutien à la paix et à la réconciliation souvent tournés vers la jeunesse. La communauté juive a pris l’initiative de réunir les deux chefs religieux, en travaillant du haut vers le bas pour accroître l’interaction et le dialogue entre les jeunes dans les locaux de la communauté juive, considérés comme un espace neutre. L’introduction du premier cours d’éducation civique dans les programmes officiels des écoles primaires et secondaires des trois groupes ethniques a également joué un rôle essentiel dans l’établissement de liens entre les jeunes du pays. Le cours Éducation à la démocratie et aux droits de l’homme, développé par Civitas, permet à des jeunes de tous les groupes de se réunir pour vivre une expérience interethnique et interreligieuse et former ainsi des groupes diversifiés mais plus soudés.
Dans l’essence de toutes les religions, il existe un besoin de paix et de non-violence, désir de toute société moderne. La Bosnie-Herzégovine a encore un long chemin à parcourir pour devenir une société démocratique, mais ses jeunes sont une lueur d’espoir pour un avenir meilleur.
Rahela Levi Dzidic
Représentante des organisations internationales de Bohoreta en Bosnie Herzégovine
Un article publié dans le Journal de la paix 566 consacré au dialogu interreligieux, à commander ici.