La dernière conférence internationale pour la paix de l’Unesco s’est tenue du 25 au 29 octobre dernier à Paris. Dans ce cadre, le Groupe interreligieux des ONG à l’UNESCO a été invité à présenter l’état de sa réflexion et de ses actions en faveur de la paix dans une table ronde dédiée à la question du dialogue interreligieux. Bérengère Savelieff, chargée d’éducation à la paix du mouvement, a représenté ce groupe au nom de Pax Christi international. Résumé par Marine de Vanssay
La construction de sociétés plus inclusives et plus pacifiques a besoin des apports cruciaux d’un dialogue entre religions et traditions spirituelles portant des valeurs d’ouverture à l’autre, de recherche d’harmonie, de charité et encouragent à la résilience face aux injustices sociales et aux mécanismes d’oppression du monde d’aujourd’hui.
En participant au groupe de travail des ONG sur le dialogue interreligieux à l’UNESCO (1) , Pax Christi tient son rôle de veilleur et de plaidoyer pour la paix. C’est à ce titre que Bérengère Savelieff a ouvert une des tables rondes (2) de la conférence mondiale pour la paix intitulée “Religion – a Source of Strength in a Challenging World: Interfaith and Intercultural Dialogue towards United Human Values”(3) en relayant leur constat alarmant : Pourquoi, alors qu’il était si présent auparavant, le dialogue interreligieux a-t-il disparu des programmes de l’Unesco ? Comment se fait-il qu’une résolution (4) votée en 2020 par les Nations Unies sur le rôle fondamental du dialogue interreligieux dans la construction d’une culture de paix ne soit pas davantage mise en œuvre ?
L’importance du dialogue interreligieux validée par l’ONU
Pourtant, cette résolution pour la « promotion du dialogue, de l’entente et de la coopération entre les religions et les cultures au service de la paix » reconnaît que « toutes les religions sont attachées à la paix » ; que « le dialogue entre les religions et les cultures » est « un élément important pour la paix et la stabilité sociale, et pour atteindre tous les objectifs de développement durable ». Que le dialogue « entre religions, groupes, individus, et chefs religieux, peut aider à faire mieux connaître et mieux comprendre les valeurs communes à l’ensemble du genre humain » ; et que, de ce fait, « devraient être encouragées toutes les activités (…) renforçant le respect de la diversité et le respect mutuel ». Enfin, la résolution invite les Etats membres à « continuer d’agir en faveur de la réconciliation afin de contribuer à assurer une paix et un développement durables, notamment en collaborant avec les communautés religieuses et leurs dirigeants, en prenant des mesures de réconciliation et de solidarité et en encourageant le pardon et la compassion entre êtres humains ».
Dans cet esprit, le groupe de travail (5) a décidé d’œuvrer en interne pour que le dialogue interreligieux retrouve sa place – au même titre que le dialogue interculturel – au sein des programmes de l’UNESCO. Bérengère poursuit son allocution en rappelant qu’ils ont choisi de « promouvoir le dialogue entre les religions et les traditions spirituelles pour participer au développement d’une éducation à une culture de paix, de non-violence et à la citoyenneté mondiale ». Ils ont quatre objectifs : Sensibiliser les Etats Membres, les secteurs de l’UNESCO et les ONG sur les richesses et les enjeux du dialogue interreligieux à l’heure de sociétés multiculturelles. Collaborer à des travaux avec le secteur des sciences humaines et sociales de l’UNESCO. Suivre et encourager la mise en œuvre de la résolution 75/26 par les Etats membres ; et mener des projets avec les chaires partenaires de l’UNESCO.
Plusieurs niveaux d’action
Bérengère donne quelques exemples des travaux déjà réalisés par leur groupe. Par exemple, ils ont demandé via la formulation de deux amendements fin 2023 à ce que l’enseignement de l’histoire des religions, de la règle d’or, ainsi qu’une éducation à l’éthique et à la morale soient inclus dans les programmes éducatifs des Etats membres ; et que ces Etats accordent une attention particulière à la lutte contre les extrémismes, la radicalisation et la stigmatisation des identités culturelles et religieuses dans les actions de lutte contre les discriminations et en faveur de l’inclusion.
Elle rappelle que le travail de leur groupe a été inscrit dans les axes des travaux de 2024-25 par la Conférence internationale des ONG. Elle fait remarquer qu’ils se sont aussi impliqués pour tisser des liens avec les délégations de plusieurs Etats Membres (6) et qu’ils sont aussi présents au Conseil de l’Europe et au Conseil consultatif interconfessionnel des Nations Unies à New York. Sur le terrain, elle a pu présenter leur action menée auprès d’Africa Reconciled en RDC.
Cela a été l’occasion d’annoncer la sortie en mars 2025 d’un journal sur les sujets prioritaires de l’UNESCO : l’apport des religions dans l’usage de l’intelligence artificielle et des réseaux sociaux, ainsi que sur des initiatives interreligieuses pour la défense de l’environnement et soutenir l’écologie intégrale.
Le XXIè siècle : une ère post-séculière
« Face à un monde en mutation, la question n’est pas tellement de savoir si nous allons vivre ensemble, mais plutôt de savoir “comment” allons-nous vivre ensemble » insiste Bérengère en citant Amine Malouf en conclusion. Pour elle, « derrière ce terme de religion se cache un triptyque dont notre monde a grandement besoin : foi, volonté humaine, et sagesse… »
Dans la foulée, Anna Teresa Siniscalcol a détaillé plusieurs actions concrètes de dialogue interreligieux menées par l’association New Humanity et leurs outils. Fabio Petito, professeur de religion et activiste italien sur les sujets de liberté religieuse, a insisté sur le fait qu’il fallait en terminer avec la sécularisation forcée du XXè siècle et ouvrir les yeux : les religions sont loin d’avoir disparues et des initiatives de dialogues et d’engagement interreligieux émergent qui sont pleines d’espoir et d’énergie positive. Le challenge est d’arriver à les soutenir pour encourager toutes les parties prenantes, politiques, civiles et religieuses à dialoguer en faveur d’une culture de paix locale et globale.
(1) UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture
(2) La table ronde était organisée par le royaume de Thaïlande et l’Organisation mondiale des bouddhistes
(3) Traduction : “La religion, une ressource puissante dans un monde en difficulté : dialogue interreligieux et interculturel vers des valeurs humaines unifiées”
(4) Résolution 75/26 votée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 10/12/2020
(5) Ce groupe est constitué de 8 ONG partenaires de l’UNESCO (cf. encart)
(6) Les délégations approchées : le Saint Siège, la République démocratique du Congo (RDC), la Belgique, le Canada, la France, l’Italie, le Kenya et le Sultanat d’Oman
Le Groupe interreligieux des ONG à l’UNESCO
Ce groupe créé en juin 2021, est constitué de huit ONG représentant plusieurs confessions :
– L’Organisation mondiale des bouddhistes,
– New Humanity,
– Pax Christi International
– AISA (association Soufie)
– Le Conseil International des Femmes Juives (à vérifier !!!)
– Les Religions pour la paix
– L’IFOR (International Fellowship of Reconciliation)
– L’OIEC (Office International de l’Enseignement Catholique)