Vous dirigez l’Office central de lutte contre les crimes contre l’Humanité et les crimes de haine, quelles sont les prérogatives de cet Office ?
L’Office a été créé en 2013 pour faire suite à l’engagement international de la France après la signature du traité de Rome qui instituait la création de la Cour Pénale Internationale. La première mission de l’Office est d’enquêter sur les crimes de guerre, les génocides et les crimes contre l’Humanité pour lesquels la France se reconnaît compétente. Dans ce domaine, l’Office a 150 dossiers en portefeuille, le dossier le plus ancien date de 1943, et le plus récent concerne l’Ukraine. Le volet de la lutte contre les crimes de haine a été ajouté en 2020 après une vague de dégradations dans les cimetières juifs du Grand-Est. Un décret est venu préciser les missions de l’OCLCH dans ce domaine fin 2021.
En quoi votre action a-t-elle à voir avec les discours de haine ?
Les discours de haine sont un véritable cancer dans le débat public, il faut absolument y faire face, notamment par une action répressive. Notre crainte est toujours que cela aille au-delà de cette première infraction, c’est-à-dire qu’on passe du discours de haine au crime de haine. Il n’y a en effet pas de crimes de haine qui ne soit précédé ou accompagné de discours de haine. On prépare les esprits par des discours haineux pour amener à commettre les pires agissements. Il y a un vrai chaînage entre discours de haine et crimes de haine. Il y a toujours le risque qu’un esprit faible prenne le discours de haine au pied de la lettre et passe à l’action, c’est un vrai risque.
Le développement d’Internet, et notamment des réseaux sociaux, a-t-il accéléré la production des discours de haine ?
Le volet haine en ligne et cyber harcèlement nous occupe beaucoup. Internet est un véritable déversoir de haine et de ressentiment. On y trouve en particulier certains professionnels de la haine, les négationnistes notamment, qui surfent sur l’actualité et sur des thèses de longue date. Ces discours touchaient moins de monde auparavant. Internet leur donne une dimension mondiale et cela complique les actions de répression. Par exemple, le premier amendement de la Constitution des Etats-Unis permet de tout dire, donc cela complique l’action des autorités françaises pour interdire des contenus produits sur des sites américains.