Homélies pour la paix
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Une homélie pour le 1er janvier
Prononcée il y a six décennies, cette homélie du pape Paul VI au corps diplomatique, s’adresse à nous aujourd’hui, qui bientôt fêterons le soixantième anniversaire de l’encyclique « Pacem in Terris ». Soyons ambassadeurs de paix !
Permettrez donc de vous exprimer bien simplement les pensées et les vœux qui remplissent Notre esprit et Notre cœur à votre intention, et que Nous élevons vers Dieu dans le langage sacré du rite religieux.
1) Noël, c’est d’abord l’annonce de la paix: Pax hominibus bonae voluntatis! Certes, ce n’est ni le lieu ni le moment de vous commenter longuement la doctrine des Papes sur la paix, de vous décrire son origine, sa nature, la manière de la faire naître, vivre et durer. Nous en avons dit un mot dans Notre radiomessage au monde, et du reste ce sont des choses qui vous sont bien connues.
Mais Nous adressant à des diplomates, autant dire à des artisans, à des spécialistes de la paix du monde, il Nous faut souligner la grandeur de votre mission, telle qu’elle Nous apparaît dans la lumière de Noël.
Si cette fête est considérée à juste titre comme la fête de la paix par excellence, c’est d’abord parce que le Christ, en unissant dans sa Personne la divinité à l’humanité, réconcilie le Ciel et la terre, et pose par là même le fondement le plus profond et le plus solide à l’édifice de la paix du monde.
Il n’apporte pas seulement la paix par son enseignement, mais selon l’énergique expression de S. Paul, il est lui-même notre paix: ipse enim est pax nostra. Des deux mondes, poursuit l’Apôtre, – le monde juif et le monde païen – «il en a fait un seul, renversant le mur qui les séparait.. . Et il est venu vous annoncer la paix, à vous qui étiez loin, la paix aussi à ceux qui étaient proches» (Eph. 2, 14 et 17).
Votre mission n’est-elle pas, Messieurs, de travailler à renverser les murs qui séparent les peuples, n’est-elle pas d’annoncer la paix aux proches et aux lointains ? Les paroles ne suffisent pas pour cela, l’Enfant de la crèche nous le témoigne par son exemple, et l’expérience quotidienne, hélas ! le confirme : il faut engager toute sa personne; il faut être des hommes de paix; entièrement pénétrés, s’il était possible, des pensées et des sentiments qui sont ceux de Dieu, et qui ont poussé le Christ à s’incarner. Ce n’est qu’ainsi qu’on peut efficacement annoncer la paix aux autres et la faire entrer dans les cœurs.
2) Ce mystère de Noël projette encore sur votre mission, Nous semble-t-il, une autre lumière. C’est un mystère d’abaissement et de patience, un mystère d’humilité. Le Christ accepte, pour réconcilier les hommes avec Dieu et entre eux, de franchir l’infinie distance du Ciel à la terre.
Pour faire régner la paix parmi les hommes, vous en savez quelque chose, il faut parfois savoir sacrifier une partie de son prestige ou de sa supériorité, accepter, pour un bien supérieur, de franchir des distances, d’engager et de poursuivre des dialogues qui peuvent paraître, à certains égards, humiliants : il faut traiter, traiter sans se lasser, pour éviter cette humiliation suprême, qui serait en même temps, dans les conditions présentes, la suprême catastrophe: le recours aux armes. Ici encore, quelle lumière projettent sur votre mission de pacificateurs, chers Messieurs, les abaissements de l’Enfant- Dieu !
3) Un mot encore, si vous le permettez. Il n’y a d’union entre les âmes que par l’amour. Si le mystère de Noël est un mystère de paix et d’humilité, c’est qu’il est avant tout un mystère d’amour. Aimer tout l’homme et aimer tous les hommes : c’est la grande leçon que nous donne le Dieu incarné; et c’est en même temps la condition du succès de l’action des diplomates au service de la paix. Une diplomatie qui ne serait pas animée par l’estime et l’amour des hommes ne saurait créer dans le monde une paix stable. Votre mission n’a-t-elle pas pour fondement la conviction que l’amour est plus fort que la haine, qu’il doit à la fin triompher et imposer la paix ?
Ici dans la paisible Cité du Vatican, et dans une solennité sereine comme celle-ci, on touche du doigt, pourrait-on dire, cette victoire de l’amour et de la paix. Jamais ils ne s’effaceront de Notre souvenir, ces Noëls de guerre où, autour du Pape Pie XII, Notre grand et inoubliable Prédécesseur, venaient s’agenouiller et prier ensemble les représentants des Pays belligérants. Au dehors, les combats faisaient rage, les bombardements meurtriers accumulaient des destructions et des ruines effrayantes, le ressentiment montait dans les âmes. Ici, autour du Vicaire du « Prince de la Paix », les âmes se retrouvaient dans une prière commune, l’entente triomphait sur la discorde, l’amour sur la haine.
Puisse, Messieurs, cette évocation être un présage et le gage de la paix apportée au monde par le Christ en cette sainte nuit. Nous le demandons à Dieu, tandis que Nous Lui présentons les vœux de vraie et complète prospérité que Nous formons pour vos personnes et pour vos patries, en invoquant sur vous et sur elles la paix promise aux hommes de bonne volonté.
Paul VI, Copyright © Dicastero per la Comunicazione – Libreria Editrice Vaticana
D’autres pistes pour une homélie
La paix, qui est un don de Dieu, est le Christ lui-même.
Éphésiens 2, 14-17 :
« C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité ; par sa chair crucifiée, il a détruit ce qui les séparait, le mur de la haine ; il a supprimé les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. Ainsi, à partir des deux, le Juif et le païen, il a voulu créer en lui un seul Homme nouveau en faisant la paix, et réconcilier avec Dieu les uns et les autres en un seul corps par le moyen de la croix ; en sa personne, il a tué la haine.
Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin, la paix pour ceux qui étaient proches. »
La paix se reçoit dans la foi : elle est une paix qui se vit au quotidien.
Romains 12, 18 :
« Autant que possible, pour ce qui dépend de vous, vivez en paix avec tous les hommes. »
Éphésiens 6, 13-16 :
« Pour cela, prenez l’équipement de combat donné par Dieu ; ainsi, vous pourrez résister quand viendra le jour du malheur, et tout mettre en œuvre pour tenir bon.
Oui, tenez bon, ayant autour des reins le ceinturon de la vérité, portant la cuirasse de la justice, les pieds chaussés de l’ardeur à annoncer l’Évangile de la paix,et ne quittant jamais le bouclier de la foi, qui vous permettra d’éteindre toutes les flèches enflammées du Mauvais. »
Le don de la paix reçu et vécu conduit à l’unité : la paix est le socle de l’unité de la famille humaine.
Jean 17, 21-23 :
« Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé.
Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. »
Retrouvez aussi des chants composés pour Pax Christi, pour les célébrations de la paix.
ICI, vous avez accès aux pistes audios, aux partitions et aux textes des chants
A lire aussi, une homélie pour la paix à Pellevoisin
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Une homélie pour le 11 novembre
Lectures : 2 Jn 1a 4-9 ; Ps 18 (119) ; Lc 17,26-37 ou Mt 5,1-12
Le 11 novembre est un jour particulier.
En France, on célèbre la fin de la Première guerre mondiale. La Nation se souvient de ses fils morts à la guerre et leur rend hommage. Ils sont nombreux en effet, des millions. L’Eglise fête aussi Saint Martin de Tours, soldat devenu évêque, un très saint célèbre et emblématique.
Une vingtaine d’années plus tard, la guerre frappe toujours,
toujours aussi horrible, avec plus de morts encore, plus d’atrocités. Mais dans ces horreurs passées, de petites flammes d’humanité ont toutefois permis de garder l’espérance et la foi en l’humanité. En France, pendant la guerre, une femme, Marthe Dortel-Claudot, priait pour la conversion de l’Allemagne. Elle est parvenue à éveiller les consciences à la nécessité de la prière et de la réconciliation. Son évêque et tant d’autres se sont joints à elle pour permettre la naissance du mouvement Pax Christ.
Prier pour la paix, éveiller les consciences, agir en faveur de la paix et de la réconciliation des peuples, sont les raisons d’exister du mouvement Pax Christi.
Rapidement, les actions de ce petit groupe d’Agen ont trouvé un écho favorable en France, en Allemagne et ailleurs. Aujourd’hui, le mouvement Pax Christi agit dans une cinquantaine pays à travers le monde. Et il lui faut agir encore ! Si, à la fin de la Deuxième guerre mondiale, on répétait : « Jamais plus la guerre… », les guerres ont continué à sévir : nous vivons avec la guerre à nos portes, nous la sentons dans notre vie quotidienne à travers l’économie qui nous pèse, à travers les médias qui nous bombardent, à travers les réfugiés que nous rencontrons. Nous savons et nous voyons que cette guerre détruit la vie de nombreuses personnes, sans compter toutes les destructions des biens individuelles et collectives. La guerre nous fait mal et elle fait mal à notre humanité.
Mirko Drazen Grmek, historien de médecine, a écrit dans les 1990 un livre intitulée La Guerre comme maladie sociale ! Il y montre que la guerre est une maladie
qui peut faire mourir l’humanité et détruire notre Terre. Hiroshima et Nagasaki en sont des exemples évidents. Aujourd’hui, 77 ans après la fin de la Deuxième guerre mondiale, la guerre menace encore d’exterminer notre humanité, de détruire notre Terre, notre maison commune. Tant de souffrances, de destructions en Ukraine, en Ethiopie, en Somalie et ailleurs.
Que pouvons-nous faire pour changer la donne ? Nous pouvons faire beaucoup.
En premier lieu, appliquer ce que saint Jean, apôtre et évangéliste demande dans la lettre suivante : « Je t’adresse une demande : aimons-nous les uns les autres. – Ce que je t’écris là n’est pas un commandement nouveau, nous l’avions depuis le commencement. ». Sommes-nous capables de nous adresser à nos proches, nos voisins, nos concitoyens, comme le fait Saint Jean ? Si nous y parvenions, nous découvririons que quelque chose nous unit, nous rend solidaires les uns des autres.
L’amour est la vie, répète Jean, car elle tient sa source en Dieu. L’autre qui se tient à coté de nous est notre sœur, notre frère, celui qui reflète notre image, et l’image du Créateur, l’image de Jésus, mort et ressuscité, pour que nous puissions avoir la vie en abondance. La guerre, c’est la mort des hommes et des femmes, la destruction des liens sociaux et de la nature.
La fête de Saint Martin aujourd’hui, est aussi l’occasion d’une réflexion sérieuse.
Suite à sa rencontre avec le Christ, de soldat, Martin devient Homme de paix bien qu’il continue à porter son nom (Martin signifiant ‘’voué à Mars’’, voué au Dieu de la Guerre). Du fait de son engagement dans la paix et dans les communautés chrétiennes (Entre les différentes fractions, à cette époque, de grandes divisions subsistaient) et de son engagement pour les pauvres et la justice, il est finalement élu évêque de Tours et devient ainsi le porteur de la Bonne nouvelle de la Paix. L’Evêque Martin était un homme d’écoute, de dialogue, capable d’intercéder pour ses opposants et tout faire pour les sauver. C’est un homme de prière et de contemplation. Par sa vie, il a annoncé l’Evangile à ses contemporains dans une période de troubles. De son vivant déjà, on s’adressait à lui pour régler les conflits car il était l’exemple de la miséricorde et de la paix. Après sa mort, reconnu Saint par l’Eglise, on lui demande encore son soutien dans les moments difficiles de la vie, comme ceux que nous vivons aujourd’hui.

Comme évêque Martin en son temps, notre pape François, nous invite continuellement à œuvrer pour la paix et l’entente entre les hommes et les nations. Dans les messages adressés aux hommes et femmes de notre monde, est présent l’Evangile et le Discours de Jésus sur la montagne : « Heureux les pauvres… heureux les doux… ». Ces commandements de Jésus nous concernent. Ils sont la mesure de notre fidélité à Jésus Christ et à Dieu Notre Père. Nous sommes invités, comme les auditeurs de Jésus, il y deux mille ans, à les mettre en pratique : le prochain, les pauvres, les exclus, les souffrants doivent faire trouver place dans notre vie.
Accueillons Jésus, notre paix, en nous et nous serons capables d’agir !
Cette paix devient agissante, et contagieuse pour les personnes qui nous entourent. Elle devient exigeante pour la société et pour le monde. Elle devient agissante dans la nature, sur notre Terre et sur toute choses.
Aujourd’hui, jour de la commémoration de la fin de Première Guerre Mondiale, nous prions pour la paix pour chaque homme, femme, enfant de notre terre, pour la paix sur cette terre que le Créateur nous a confiée. Prions aussi pour que surgissent dans les cœurs, le désir de paix et de respect des autres, et dans les intelligences la volonté d’agir. C’est seulement dans cet état d’esprit que nous serons capables d’accueillir et de mettre en pratique les paroles de Jésus : « Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix » (Jn 14,27) .
Frère Vlatko Maric, aumônier de Pax Christi