En Inde, sensibiliser au dialogue interreligieux

En Inde, à la rencontre de Yuva Sadbhav (Favoriser l’harmonie chez les jeunes), un programme de sensibilisation au dialogue interreligieux : à une dizaine de kilomètres de Panjim, capitale de l’État de Goa, se trouve le siège de la Société des missionnaires de Saint François Xavier, plus connue sous le nom de Société Pilar. Cette organisation, dont la devise est Vasudhaiva Kutumbakam (« Le monde entier n’est qu’une seule famille »), s’engage depuis des années à promouvoir la paix et l’harmonie à travers divers programmes, dont celui de Yuva Sadbhav, destiné aux étudiants de différentes confessions de l’État de Goa. Nous avons rencontré pour Pax Christi le père Lawrence Fernandes, directeur du Pilar Pilgrim Centre et le père Elvis Fernandes, responsable du programme Yuva Sadbhav. Un reportage d’Hélène Gronier.

« Nous avons lancé ce programme il y a trois ans dans le but de sensibiliser la jeunesse étudiante de Goa au dialogue interreligieux et de lui permettre de dépasser ses préjugés concernant les autres religions », explique le père Lawrence Fernandes. « Nous nous sommes rapprochés des doyens des universités locales afin de leur présenter le projet et, sur les cinquante institutions contactées, douze ont accepté de participer au programme. Lors de la première session de ce programme en mars 2022, nous avons pu réunir une soixantaine d’étudiants de diverses confessions (hindoue, chrétienne, sikhe, jaïne, bouddhiste, musulmane) », ajoute le père Elvis Fernandes, en charge du programme.

Aujourd’hui le gouvernement de l’État de Goa est dirigé par le parti pro-hindou BJP (Bharatiya Janata Party), et soutenu par des groupes déterminés à faire de l’Inde une nation exclusivement hindoue. Ils sont régulièrement accusés de s’en prendre aux minorités religieuses comme les musulmans et les chrétiens dans plusieurs États. Goa n’a pas connu de telles violences à ce jour.

Interventions d’experts : diversité et humanisme

« Je leur ai tout d’abord expliqué ce que sous-entend le dialogue interreligieux, en insistant sur l’importance du dialogue de vie et du dialogue d’action. Le dialogue de vie appelle à la manifestation de valeurs humaines telles que le respect, la camaraderie, l’hospitalité, la solidarité et la fraternité, tandis que le dialogue d’action prône un engagement commun en faveur de la justice et de la tolérance envers les différentes traditions religieuses », poursuit le père Elvis Fernandes.

Durant deux jours, divers experts sont intervenus. Pravin Sabnis, formateur en entreprise, a dirigé une séance intitulée « Diversité arc-en-ciel », soulignant l’importance de la justice et de la dignité pour l’égalité, et plaidant pour l’humanisme et l’harmonie communautaire. Tallulah

Prise de parole d’étudiants de confession chrétienne, hindoue, sikhe et musulmane (de gauche à droite). Crédit photo : Fr Elvis Fernandes

D’Silva, environnementaliste réputée, a proposé un sentier forestier sur la butte Pilar, mettant en lumière le thème de la vie harmonieuse entre l’homme et la nature. Sangeeta Naik, analyste des médias, a animé une session sur l’utilisation des médias sociaux pour promouvoir l’unité. Asim Shaikh, éducateur interconfessionnel, a abordé le rôle des jeunes en tant que leaders pour résoudre les problèmes sociaux.

Prière interconfessionnelle : un moment de connexion spirituelle

« Lors de ces journées, j’ai invité les participants à partager leurs expériences positives avec des personnes d’autres confessions. Je leur ai par exemple demandé de nommer au moins cinq amis proches qu’ils avaient depuis l’enfance et de préciser leur religion, afin de les aider à réfléchir aux choix conscients et inconscients qu’ils font en matière d’amitié. Un documentaire de 2008, L’Imam et le Pasteur a également été diffusé dans le cadre du programme. Nous avons aussi organisé une Sadbhav Prarthana, une prière interconfessionnelle pour nous connecter spirituellement. La prière était dirigée par des représentants des six religions, qui ont présenté leurs réflexions sur le thème “Miséricorde et Pardon”. Par la suite, tous les étudiants ont parlé de devenir à leur tour des canaux de la miséricorde et du pardon », précise le père Elvis Fernandes.

« Yuva Sadbhav vise à promouvoir l’harmonie interreligieuse et à former une jeunesse capable de dépasser les clivages religieux pour construire un avenir de paix et de solidarité. En cultivant ces valeurs de tolérance et de compréhension mutuelle, nous espérons semer les graines d’une coexistence harmonieuse et durable, où chaque individu, quelles que soient ses croyances, puisse contribuer à un monde plus juste et fraternel », conclut le père Lawrence Fernandes.

Les initiatives de Yuva Sadbhav se poursuivent d’année en année. Après deux sessions en 2022, dont une session de suivi en octobre, une nouvelle session s’est tenue en octobre 2023 avec de nouveaux participants et une prochaine session toujours sur une journée est d’ores et déjà prévue pour octobre 2024.

Cette session m’a éclairée sur la manière dont on peut utiliser les médias sociaux pour créer de la positivité et de l’unité dans la société.

Medha, étudiante de troisième année de licence au Carmel College de Nuvem (Inde)

Père Elvis Fernandes (au centre) entouré des étudiants du programme Yuva Sadbhav. Crédit photo : Nashton Correia

 Pour nous, ce programme a été l’occasion de construire une amitié et une meilleure compréhension mutuelle. De telles initiatives contribueront sûrement à créer une société où règnent confiance, respect et coopération entre les personnes de différentes confessions et croyances. 

Elaine, étudiante du Nirmala Institute of Education (Panjim – Inde)

En savoir plus sur les programmes pour favoriser le dialogue interreligieux, l’harmonie et la solidarité en Inde de la Société Pilar  : www.sadbhavgoa.org
Pour aller plus loin :

L’Imam et le Pasteur

Avec son message de dialogue, de pardon, de réconciliation et d’implication dans les milieux de conflits s’avère un outil pertinent et puissant dans la société actuelle.

Dans les années 1990, le pasteur James Wuye et l’imam Muhammad Ashafa étaient des chefs religieux adverses au Nigeria, dirigeants chacun des milices armées voués à la défense de leurs communautés respectives, quand la violence a éclaté à Kaduna, dans le nord du Nigeria. Dans les batailles rangées, le pasteur James a perdu sa main ; l’imam Ashafa a lui perdu son mentor spirituel et deux proches parents dans la bataille. Maintenant, les deux hommes sont codirecteurs du centre de médiation inter-religieux chrétien et musulman dans leur ville, et à la tête d’équipes pour résoudre les conflits à travers le Nigeria. L’Imam et le Pasteur est à la fois une histoire de pardon émouvante et une étude de cas sur une initiative locale à succès sur la réconciliation et la reconstruction de plusieurs communautés déchirées par des conflits.

Source : www.iofcafrica.org