La campagne des élections européennes du 9 juin a bel et bien commencé : en France, on assiste au transfert d’hommes politiques entre partis ou à l’appel à des personnalités issues de la société civile pour se préparer au scrutin ; et les meetings se succèdent déjà. Mais les partis sauront-ils mobiliser pour que les électeurs aillent aux urnes ? Et sur quelles valeurs vont-ils rassembler ? Il y a fort à parier que la guerre en Terre Sainte s’invite dans les débats, tout comme la guerre en Ukraine l’avait fait dans la campagne présidentielle en 2022. Dans ce contexte, quel parti sera celui de la paix et de la fraternité ? Qui proposera une Europe où l’on prend en compte les plus faibles pour qu’elle ne devienne pas une réserve de privilégiés bien-portants ? La question des migrants notamment, pourra-t-elle être débattue ? Si elle l’était, souhaitons que le débat soit inspiré par des propos tels que ceux recueillis auprès de Raffaele Laria depuis l’Italie.
Pour un accueil des migrants
Le ministère de l’Intérieur italien annonçait récemment l’arrivée d’environ 158 000 migrants sur les côtes italiennes en 2023, contre 105 000 en 2022. Ces données extraites d’un « tableau de bord » dédié et quotidiennement mis à jour montrent une augmentation significative des traversées et des difficultés vécues par tous ces immigrants dans leur pays.
En Italie, les chiffres de l’immigration ne correspondent pas à ceux qui sont rendus publics. Officiellement, ils seraient stables depuis plusieurs années alors que d’après le rapport sur l’immigration de Caritas Italiana et de la Fondazione Migrantes, ils sont plus de 5 millions de citoyens étrangers à résider en Italie. C’est donc une situation qui est volontairement invisibilisée, probablement car elle suscite peur et appréhension. Les images des arrivées par la mer ne cadrent pas avec la réalité et c’est ce qui explique la volonté du gouvernement de les stopper. C’est un refrain simpliste qui ne prend pas en compte l’esprit d’accueil et de solidarité de notre pays. Cette réalité devrait plutôt nous pousser à trouver comment protéger toutes ces personnes contraintes de quitter leur pays à cause des changements climatiques, des guerres, des discriminations et des persécutions.
Les migrants – a déclaré Mgr. Gian Carlo Perego, président de la Fondation Migrantes – ne devraient pas être considérés dans nos villes comme un « dérangement » mais plutôt comme « une opportunité qui renouvelle les communautés, du point de vue démographique et du métissage ». Ce qu’a d’ailleurs clairement montré la récente rencontre de Marseille avec le pape François. Marseille, cette ville si cosmopolite et dont de nombreux citoyens sont d’origine italienne suite aux flux migratoires ayant eu lieu entre 1860 et 1960.
Le besoin d’une Europe unie et solidaire
La rencontre de Marseille a montré notre besoin d’avoir une Europe unie et solidaire sur le thème de la migration. Comme l’explique Mgr. Perego, il est bien triste de voir « les revers » qu’a connu récemment le traité de Dublin qui encadre les accords européens sur la politique de l’asile « à cause de certains nationalismes ».
Nous devrions avoir un système de protection calibré sur le nombre d’habitants de chaque pays
En Europe, chaque état est souverain sur ses politiques d’accueil. Cependant, la protection particulière accordée aux personnes ayant quitté l’Ukraine était large et partagée. Nous devrions avoir un système de protection calibré sur le nombre d’habitants de chaque pays qui devrait être « la norme », car aucune nation ne peut assumer seule cette tâche. C’est le cas de l’Italie dont le système d’accueil est totalement insuffisant. À ce jour, en raison du manque de places, les personnes bénéficiant d’une protection internationale sont contraintes de quitter les centres d’accueil pour aller « vivre » dans la rue. Pourtant, ce sont ces mêmes centres qui accompagnent les migrants dans leur processus d’intégration. Et nous avons tellement besoin qu’ils trouvent leur place chez nous.
L’Eglise négocie sans relache en faveur des migrants
Entre l’État et l’Église italienne, le dialogue sur la question des migrants est très « serré ». Comme l’explique le Cardinal Matteo Zuppi, président des évêques italiens, dans la revue Civiltà Cattolica : « Nous menons un dialogue serré, comme avec les gouvernements précédents. L’objectif est de sauver les gens et de créer un système qui fonctionne, qui vainc l’illégalité par la légalité. Malheureusement, cette attention aux migrants est perçue comme facultative ou est déformée comme s’il s’agissait de les « prendre tous ». Nous ne sommes pas d’accord. L’Église n’a jamais dit « tout le monde dedans », pas plus qu’elle n’a déjà dit « tout le monde dehors » : elle a dit « tout le monde doit être sauvé » et il faut créer un système d’accueil sérieux et fonctionnel, avec des droits et des devoirs, ce qui exige également une politique européenne digne de ce nom. Or, l’Europe est malheureusement largement absente. Les couloirs humanitaires sont pourtant une démonstration claire de la faisabilité d’une politique d’accueil offrant toutes les garanties de sécurité ».