Alfonso Zardi
En 1950, Robert Schuman, à l’époque ministre des Affaires étrangères de la France, en portant un regard amer sur l’entre-deux guerres, affirmait : nous n’avons pas fait l’Europe, nous avons eu la guerre. Soixante-quinze ans après, nous avons fait l’Europe et pourtant nous avons la guerre. Où est l’erreur ?
Le dessein de Schuman – assurer la paix entre les nations, principalement au moyen du partage des ressources – a réussi. Au fur et à mesure de leur intégration au sein des Communautés, puis de l’Union européenne, les Etats européens ont abandonné toute velléité de régler de façon autre que pacifique leurs éventuels différends.
Mais les institutions – Conseil, Commission, Parlement – ne peuvent pas porter seules, mécaniquement presque, le poids d’une succession de choix politiques qui engagent notre avenir : de la révolution écologique de notre mode de vie à la sécurité extérieure, de l’indispensable ouverture à une société pluriethnique et multiculturelle à la défense des valeurs démocratiques et des droits de l’homme.
C’est à nous, citoyens de cette Europe, imparfaite mais combien plus accueillante et prospère que celle de nos pères, qu’il appartient de choisir. Allons-nous rester fidèles à cette intuition et continuer à faire le choix de l’amitié et de la paix par
un renforcement de notre coopération au sein de l’Union, ou bien, allons-nous quitter le bateau et affronter seuls les mers agitées – et pas seulement la Méditerranée – qui nous entourent ?
L’élection du parlement européen le 9 juin prochain est le rendez-vous donné pour exprimer ce choix. Il concernera les 350 millions de citoyens de l’Union en âge de voter, appelés à choisir non seulement leurs députés mais aussi dans quelle Europe ils voudront vivre. Nos élus, loin de faire à Strasbourg de la figuration ou se quereller sur la courbure des concombres, auront à voter des lois véritablement essentielles et à choisir notre avenir à tous.
Le moment est grave en effet : l’agression russe à l’Ukraine, outre ses morts et ses destructions, secoue nos convictions, fragilise nos économies, s’accompagne du virus de la désinformation et du mensonge. Comme en 1950, le choix de l’Europe sera celui de la paix. Seul un sursaut de fraternité, de solidarité, d’union – n’ayons pas peur des mots – nous permettra de sortir de la guerre et de vivre en paix.
La responsabilité qu’auront nos députés de choisir entre « résistance et soumission » (pour reprendre les mots de Dietrich Bonhoeffer, pasteur et adversaire du nazisme, décapité en 1945) est écrasante. Choisissons-les avec prudence et courage, montrons-leur qu’ils ont notre confiance : notre avenir à nous tous est entre leurs mains. A nous de faire le « bon choix ».
AZ
DEUX RENCONTRES EN REGION A NOTER :
Rencontre
A Lyon, Pax Christi, Ensemble pour l’Europe et les ACI (Action Catholique des milieux Indépendants) vous donnent rendez-vous : conférence, débats et ateliers pour préparer les élections européennes.
Rendez-vous le 6 avril 2024 de 14h à 18h30, dans les alles sous l’église Saint Michel, 45 avenue Berthelot 69007 Lyon
Soirée débat
à l’appel du collectif Ensemble pour l’Europe Strasbourg, dont Pax Christi est membre, et avec le soutien de l’association DECERE (Démocratie, Construction Européenne et Religions).
M. Klaus Welle
décryptera les enjeux de cette élection et répondra aux questions des jeunes strasbourgeois et européens.
Rendez-vous le 11 mars 2024 à 20h, FEC, 17 place Saint-Etienne, Strasbourg Entrée libre
Klaus Welle,
est un ancien secrétaire général du Parlement européen, fonction qu’il a exercée de 2009 à 2022. Au moment de son élection à cette haute fonction il était le chef de cabinet du président du Parlement Gert Pöttering et avait déjà assuré le secrétariat général du groupe du Parti Populaire-ED du Parlement. Issu de la CDU allemande (parti centriste d’inspiration chrétienne) Klaus Welle s’est engagé très jeune (il est né en 1964) dans le travail politique pour l’Europe, tant au niveau national qu’au sein du Parlement européen. En tant que secrétaire général il a piloté l’évolution de cette institution – la seule issue du suffrage universel au sein de l’Union – dans l’exercice des pouvoirs additionnels que le traité de Lisbonne lui confère, à côté de la Commission européenne et du Conseil de l’Union. Sa parfaite connaissance des rouages administratifs et des aspects politiques de la construction européenne, unis à son engagement personnel fort, en font un interlocuteur précieux pour aider à comprendre les enjeux des prochaines élections, décisives pour l’avenir de l’Union européennes.
Retour sur la soirée :
Les enjeux d’une élection
Environ une centaine de personnes, dont une forte proportion de jeunes, sont venus dialoguer avec Klaus Welle, ancien secrétaire général du Parlement Européen, sur les enjeux de cette échéance électorale. Car des enjeux il y en a : de par ses compétences, renforcées par le traité de Lisbonne, le parlement est désormais en mesure de peser fortement sur les choix politiques et économiques de l’Union européenne : la transition écologique, la réforme de la politique agricole commune, l’accueil des migrants, l’Europe de la défense, pour n’en citer que quelques-uns.
Welle a expliqué le processus décisionnel au sein du Parlement européen – basé bien plus sur le dialogue et le « compromis » que sur l’affrontement – et montré combien le positionnement des listes nationales sur ces thématiques – entre autres – est décisif pour la formation des volontés politiques au niveau du Parlement. Il ne s’agit donc plus de voter génériquement « pour l’Europe » en allant voter le 9 juin, mais d’exercer un choix raisonné entre plusieurs façons de « faire l’Europe », ce qui pour certains, signifie plutôt déconstruire ce qui a été réalisé jusqu’ici.
Plus que jamais, l’Europe de demain dépend du choix que nous ferons le 9 juin : d’ici-là, n’arrêtons pas de nous informer, de débattre, d’échanger pour faire enfin le « bon choix », celui d’une Europe fidèle à sa vocation humaniste et solidaire, assumant responsablement sa place dans le monde, et défendant ses valeurs et l’objectif de la paix pour laquelle elle a été créée.