Évêque émérite du diocèse de Troyes, coprésident de Pax Christi International, monseigneur Marc Stenger réagit au conflit déchirant le Moyen-Orient. Il plaide pour la création de deux États, un État hébreux et un État palestinien.
Propos recueillis par Jean-François Laville
Monseigneur Stenger, vous êtes coprésident de Pax Christi International, ancien évêque du diocèse de Troyes. Quelle a été votre réaction à la suite des attentats commis par le Hamas le 7 octobre dernier en Israël ?
L’horreur pour commencer, bien entendu. C’est un attentat qui emprunte les méthodes les plus caractéristiques du terrorisme. On ne peut pas rester insensible à ces agissements-là.
Comment en est-on arrivé là ? Cela aurait-il pu être évité ?
Je pense que c’est quelque chose qui a été provoqué par la politique qui a été de laisser faire le Hamas. À ce que je sache, Israël a trouvé le Hamas bien commode pour suivre sa politique.
Quelle est la position de Pax Christi sur ce conflit israélo-palestinien qui date déjà de plusieurs décennies ?
La position de Pax Christi est premièrement de dénoncer toute violence, quelle qu’elle soit. Et la politique de colonisation menée par Israël a aussi été une pratique très violente. Ensuite le point de vue politique de Pax Christi est de plaider pour la justice. Et, entre autres, de trouver une solution qui mette fin à cette profonde injustice qui frappe les Palestiniens.
L’option de deux États qui cohabiteraient, un État hébreu et un État palestinien, souvent évoquée y compris lors de grands rendez-vous politiques à Washington, qu’en pensez-vous ?
Pour ma part j’y suis favorable. J’ai toujours dit que c’était mon option, mais à condition qu’on n’en fasse pas une panacée. Deux États vont-ils accepter de vivre ainsi côte à côte ? On sait très bien que les musulmans et les Palestiniens sont plus prolifiques que les Israéliens. Par ailleurs, on installerait deux États dont les populations, jusque-là, ont accumulé la haine. Je pense que c’est la seule solution mais ce n’est pas une solution qui résoudrait tout. Il faudrait en effet gérer une cohabitation et ce ne serait évidemment pas facile.
D’autant que le Hamas, comme l’Iran, souhaite la disparition d’Israël. Alors comment imaginer une cohabitation dans ces conditions ?
Il est clair qu’on n’éradiquera pas une haine aussi vive qui date de plus de vingt ans. Il faudra notamment que Israël soit assuré de sa sécurité. C’est une condition sine qua non. Sinon vous auriez de part et d’autre des gens qui veulent que l’autre disparaisse. Et qui n’auraient pas confiance en l’autre. Il faut donc trouver les moyens d’assurer cette confiance.

C’est d’autant plus difficile à mettre en place avec l’intervention de l’Iran et du Hezbollah. Vous craignez une extension de ce conflit dans toute cette région ?
Je le crains parce qu’il y a dans cette région un déséquilibre. D’autant plus que l’Iran mène une politique agressive, contre les États-Unis, contre tout ce qui pourrait être facteur d’équilibre dans cette région. L’Irak en a déjà été la victime.
Est-ce pour vous une question de territoire ou également un problème religieux ?
Je ne pense pas que ce soit un problème religieux. Et d’ailleurs il existe une cohabitation en Israël de l’islam avec les juifs qui est plutôt de bon augure.
Je ne pense pas que ce soit un problème religieux
Notre planète est marquée par de nombreux autres conflits, notamment en Ukraine. Comment se positionne Pax Christi face à ce conflit et face à l’invasion russe ?
Nous essayons de faire campagne pour mettre fin à toute violence. Et nous demandons aux grandes puissances internationales d’intervenir dans le sens de la justice. Pour l’Ukraine, c’est d’autant plus compliqué que les Russes ne veulent pas lâcher, les Ukrainiens non plus, ce que je peux comprendre.
Ce développement d’États totalitaires vous inquiète-t-il ? En d’autres termes qu’est-ce qui peut sauver la démocratie aujourd’hui ?
La démocratie ne peut être sauvée que par les gens qui y croient. La démocratie doit se défendre. Et il faut y croire. Je pense qu’il faut créer des consensus entre les pays, entre les populations, c’est la seule chance pour la sauver.
L’Europe essaye à cet égard d’être rigoureuse. Elle est une chance pour la démocratie dans la mesure où elle repose sur un processus de paix choisie, sur des conditions posées pour garantir la paix. Pour sauver la démocratie, il faut donc dénoncer tout ce qui va à l’encontre de la liberté d’opinion, à l’encontre de la liberté de religion. Et rappeler les valeurs qui sont le fondement de la démocratie.
Monseigneur, est-ce que vous restez optimiste malgré tout ?
Oui, on vient de donner avec Pax Christi international un prix à une association israélo-palestinienne qui s’appelle le Cercle des familles endeuillées. Ses membres ont tous en commun d’avoir perdu quelques-uns de leurs proches, enfants, parents. Ils se sont retrouvés pour poser des gestes de réconciliation. J’ai entendu des témoignages de membres de cette association. Ils y croient très fort. C’est un beau témoignage qu’ils donnent sur la volonté de se réconcilier, et sur le pardon.
Un article paru dans "Bonne Nouvelle", la revue de l4glise dans l'Aude, au mois de janvier.