Aujourd’hui la lumière a brillé sur la terre

EDITO DE NOËL

L’enfant qui naît cette nuit est rassuré par la chaleur du corps de sa maman, la respiration des bêtes qui l’entourent, le silence profond de la nuit. Cette paix du moment se répandra alentour, on dit même qu’une étoile a brillé au-dessus de l’étable attirant les bergers et les gens alentours, y compris de grands savants, des hommes pieux voire des riches, jusqu’à ce lieu béni.

On imagine les rires de l’enfant, la satisfaction du père, l’embarras de la mère devant tant d’hommages et cadeaux tombés du Ciel. Mais tout cela ne dure pas longtemps, il faut fuir car la nouvelle d’une jalousie meurtrière se répand, l’enfant est en danger – mais pourquoi ? – et ne reste que l’exil pour le mettre à l’abri.

Car sa vie est précieuse, il a une mission à accomplir – on le fera comprendre à ses parents lorsqu’ils monteront une première fois jusqu’au Temple, et depuis sa vie et la leur sera changée à jamais. La nôtre aussi ?

Nous qui connaissons cette histoire et la racontons à notre tour aux enfants et petits-enfants, nous qui construisons les crèches à la maison et visitons celles des églises, sommes-nous aussi touchés par la grâce de cette naissance comme les furent les bergers, les mages, les voisins de l’étable de cette singulière famille ?

Cette naissance qui se répète, est-elle l’occasion de revenir à la source d’une grâce et d’un bonheur qui donnent un sens à notre vie ? Cette paix qu’Il nous donne, ce cadeau qu’Il livre non seulement à ceux qui lui ont aussi fait des présents mais à tous ceux qui sont venus le voir, lui ont souri, et ont félicité ses parents, persiste-t-il au fond de nos cœurs ? Cette paix, la répandons-nous autour de nous, en faisons-nous cadeau par le regard que nous posons sur les autres, par les mots que nous échangeons, les gestes qui nous rapprochent ?

Le monde, de nos proches quartiers aux plus lointaines contrées de la terre et jusque dans le haut des cieux, a besoin de paix, souffre de ne pas être en paix. Saurons-nous, chacun de nous, par les petits gestes de rien du tout mais qui, en essuyant une larme, en calmant une faim, en remplissant une solitude, changent la vie de l’autre dans les visages duquel nous reconnaissons notre commune humanité, saurons-nous faire la paix comme cet enfant qui a sauvé le monde ?

La paix du monde n’est pas à notre portée, la paix dans le monde oui. Joyeux Noël à toutes et tous.

Alfonso Zardi, Délégué général de Pax Christi France

MEDITATION DE NÖEL
Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous » (Jn 1, 1-18)
En ce jour où nous accueillons Jésus nouveau-né, nous nous mettons à l’écoute de saint Jean dans le premier chapitre de son évangile : regardons le Verbe qui nous vient du cœur même de Dieu le père pour prendre la condition d’homme et donner sens à nos vies.

Au commencement était le Verbe
Au commencement ? De quel commencement s’agit-il ? Celui du Big Bang ? Peut-être est-il simultané au commencement dont parle saint Jean, mais c’est le commencement des scientifiques. Ici, c’est le commencement des croyants. Quel est mon commencement ? Non, pas mon commencement biologique, mais le commencement de mes actes de croyant ?
Reprenons donc le début de l’évangile de st Jean : « Au commencement était le Verbe ».
C’est vrai qu’il y a un problème de traduction du mot grec « Logos ». Parole ? Principe d’organisation ? Discours construit ? Nous touchons ici la difficulté même de parler de Dieu, et donc de notre foi. C’est d’autant plus difficile puisque Dieu lui-même se révèle comme Parole :
« Le Verbe était Dieu ». Alors, si Dieu lui-même est Parole, est-ce une parole absolue et alors tout dialogue est fermé ? Ou bien, est-ce une parole qui donne la parole et nous permet ainsi d’être en dialogue avec notre Créateur ?

Entrer en dialogue avec Dieu
Mais comment serait-ce possible, puisque Dieu est celui dont l’immensité est telle qu’on ne peut la rejoindre ?
Alors, continuons la lecture de l’évangile et reprenons le passage qui le relie directement à la fête de Noël : »Et le Verbe s’est fait chair ».
Nous touchons là l’absolue différence : ce qui fait que le christianisme ne ressemble à aucune autre religion. Notre Dieu a pris chair. Il s’est incarné, il s’est fait homme sans tricher, de la naissance à la mort. Il s’est incarné dans un peuple précis, dans un lieu et un temps précis : avec une incarnation qui impose les limites du temps et de l’espace. Et pourtant, malgré ces limites temporelles et spatiales, Dieu a tout livré de lui-même en son Fils Jésus dont nous fêtons la naissance à Noël.

En lui était la Vie, et la Vie était la lumière des hommes »

L’incarnation est vie
Saint Jean donne quelques repères sur les effets concrets de cette incarnation : « En lui était la Vie, et la Vie était la lumière des hommes ».
La Vie est constitutive de l’incarnation : pour suivre l’exemple de Jésus, c’est-à-dire pour vivre pleinement, nous n’avons pas à nous désincarner par de faux exercices de piété ! Non : la vie incarnée est à goûter pleinement, à l’exemple de Jésus. De plus, cette vie est lumière.

Basilica of Nativity© Stanislao LeeCTS

Jésus est la lumière
Reprenons St Jean : « Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde ».
C’est un lieu commun, mais disons-le quand même : notre époque est troublée et même très troublée. Conflits, massacres, guerres, injustices… la liste est longue, longue aujourd’hui mais elle l’était aussi au moment de la naissance de Jésus !

N’oubliez pas comment saint Matthieu nous raconte le massacre des innocents peu après la naissance de Jésus. N’y a-t-il pas de dramatiques points communs avec ce que nous vivons ces temps-ci ? Et Jésus est devenu un réfugié avec son père et sa mère en égypte. Ne connaissons-nous pas le problème des réfugiés aujourd’hui ?
Au milieu de ces ténèbres (tant celles d’il y a 2000 ans que celles d’aujourd’hui), Jésus vient, et il éclaire tout homme, tout particulièrement celui qui se trouve au milieu de ces affres.

Par la délégation de Pax Christi à Vannes
Mosaïque de Jésus enfant

« La gloire de Dieu les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte. »
N’ayons pas peur d’être éblouis par la lumière qui nous guide dans la nuit. Prions pour que la grande Espérance de cette naissance vienne ouvrir le cœur des Hommes afin de les guider par le dialogue vers la compréhension et la réconciliation, en particulier pour que la Paix advienne et les souffrances cessent en Terre Sainte, en Ukraine, au Haut-Karabakh et dans toutes les zones de conflit.

« Aujourd’hui vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur ».
Prions pour que la liberté révélée aux hommes par le Christ nous aide à accueillir et protéger celui qui espère un monde meiller au péril de sa vie. N’ayons pas peur de partager nos richesses, et notre pays, et voyons réellement le migrant comme une chance et un frère en humanité.

« Vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. »
L’agneau de Dieu trouvé par des bergers préfigure la nourriture du corps et de l’Esprit. Prions pour que la révélation de cette offrande au monde nous encourage à mieux imiter le Christ dans le quotidien de nos propres vies.

« Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. »
Louons Dieu pour son amour infini, et prions l’Esprit Saint de nous rendre à notre tour acteurs de cet amour, en ayant des gestes concrets pour les personnes isolées ou malades qui ne prennent pas part à nos fêtes de famille. Sécurisés par notre chaleur familiale, sachons aller vers elles afin de leur apporter la paix et le réconfort d’une présence et d’une attention véritables.

Noël, l’incarnation aujourd’hui
Car Noël, ce n’est pas simplement faire mémoire d’un événement qui a eu lieu il y a un peu plus de 2000 ans, non ! C’est célébrer la naissance de Dieu dans notre monde aujourd’hui.
Pour mieux comprendre, je prends une comparaison. Quand nous célébrons l’eucharistie, nous faisons mémoire du dernier repas de Jésus. Mais, en même temps, nous le rendons actuel : le dernier repas de Jésus est contemporain de chaque eucharistie. Il transcende l’espace et le temps. Ainsi, même si Noël n’est pas un sacrement, en le célébrant nous disons que Dieu s’incarne aujourd’hui : Jésus nous l’explique de différentes manières tout au long de l’évangile.
Voici quelques repères. C’est Jésus lui-même qui nous dit qu’il est présent au milieu de nous quand deux ou trois sont réunis en son nom. Hier comme aujourd’hui.
C’est lui dont nous reconnaissons la présence quand, à la fin de l’évangile, les chrétiens rassemblés pour l’eucharistie proclament : « Louange à Toi Seigneur Jésus ! » Ce qui est vécu dans la liturgie doit ensuite être vécu dans la vie quotidienne.

A la lumière de Celui qui est « lumière née de la lumière », chaque croyant est invité à vivre ce Noël en ouvrant les yeux sur tous les signes de la naissance de Dieu dans le monde d’aujourd’hui. Et quand on sait ouvrir les yeux à la manière du Christ, l’espérance devient visible.

Père Jean-Marie Humeau
Vicaire épiscopal
Ordinariat des Catholiques des églises Orientales résidant en France