La Journée des droits de l’homme 2023, marque le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Célébrée le 10 décembre, elle est l’occasion de rappeler et d’enseigner l’universalité et l’indivisibilité des droits humains. Guy Aurenche, avocat honoraire, membre de Pax Christi France, nous rappelle aussi que, s’engager pour ces droits inaliénables, c’est s’engager sur les chemins de la paix.
Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits, … constitue le socle … de la paix dans le monde. » (Déclaration universelle des droits de l’homme 12 décembre 1948).
Pour, comme le disait Camus en 1957, « éviter que le monde ne se défasse », nous nous souvenons qu’il y a 75 ans, l’Organisation des Nations Unies, proposait à tous les peuples et toutes les nations, cette Déclaration comme un « idéal commun à atteindre ».
Une boussole
« Pour affronter un monde où les vents, soufflant dans toutes les directions, réduisent les états au rôle de girouettes…, il devient urgent que l’humanité prenne conscience des interdépendances croissantes et des solidarités qu’elles impliquent… Le destin de l’humanité appelle des bornes juridiques communes et des responsabilités partagées. » (Delmas-Marty. Le pot au noir. Buchet Chastel. 2019). Et l’auteur de décrire « l’humanisme juridique » des droits humains comme une « boussole », outil nécessaire pour garder le cap mais cependant insuffisant : la navigation dépend de la compétence et de la bonne volonté du capitaine et des matelots.
Guy Aurenche
Le procès
La dynamique des droits humains fut critiquée. Nombre d’intellectuels « engagés » dénonçaient le « droitdelhommisme » naïf ou trompeur. Après le drame des attentats du 11 septembre 2001, s’est ouvert un véritable procès : rejet du concept d’un droit naturel supérieur d’où découleraient droits et devoirs. Dénonciation de l’impérialisme occidental. Refus d’abandonner la souveraineté de l’État. Mise en cause de l’universalité des droits. Rejet de la dérive individualiste. Inflation des droits exigibles. Oubli des devoirs. Ignorance du dérèglement climatique. Inefficacité face aux attentats « terroristes », aux pandémies universelles, à la guerre Hamas/Israël, etc…
Le cri de la dignité
Les droits de l’homme expriment un cri lancé dans un contexte particulier. En 1948, il convenait de réagir contre la folie meurtrière dont le monde venait d’être victime. La Déclaration affirme « que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie ». Est-ce obsolète face à ce qui se déroule dans tant de pays ? Le texte s’inscrivait dans un élan utopique visant « l’avènement d’un monde où l’être humain serait libre de parler et de croire, libéré de la terreur et de la misère ». Un beau programme pour construire la paix.
Après le cri, la dynamique des droits de l’homme pose un acte de « foi… en la dignité et la valeur de la personne humaine ». La dignité est-elle un concept pour le moins « fatigué » ? (Cynthia Fleury. De la clinique de la dignité. Seuil. 2023). Pour les croyants en Dieu, elle a son origine dans la création de l’être humain à l’image et à la ressemblance de Dieu. Pour les non croyants en Dieu et selon l’esprit des Lumières, la personne est digne et cela suffit. Pour tous, ce concept a l’avantage « d’inviter à un respect absolu de tout autrui et de soi-même » (Marie-Jo Thiel. La Vie 7/09/023). Premiers pas pour tenter de construire la paix.
Droits inaliénables : chemins de paix
Affirmer la dignité de la personne, c’est bien. S’engager à en respecter les droits fondamentaux qui en découlent, c’est plus difficile. Il s’agit d’un engagement « politico-juridique », souscrit par un Etat qui décide de ne pas bafouer les droits énoncés : droits civils, civiques, économiques, sociaux et culturels ; peu à peu, un droit des générations futures à un environnement sain.
Il convient aussi de créer les conditions de leur respect. La dynamique des droits humains propose des chemins de paix : lutter, au nom de la dignité contre toute humiliation, devrait être le maitre-mot des autorités soucieuses de paix. Permettre à tous de jouir des
conditions matérielles nécessaires pour vivre pourra éviter les légitimes révoltes. Organiser la participation citoyenne, responsabilise chaque personne pour devenir un promoteur du Bien commun, condition de la paix. Respecter la liberté de penser peut devenir le terreau sur lequel des groupes ou des peuples de cultures différentes apprendront à se connaitre.
Un outil de dialogue au service de la paix
« Seul un dialogue ambitieux et modeste entre tous les humanismes de la planète pourra nous en (la dignité) approcher et préserver l’humanité de la barbarie ». (Abdenour Bidar. Histoire de l’humanisme en Occident. Armand Colin. 2014). Toutes les familles de pensée devraient participer à cette démarche. La dynamique des droits de l’homme peut contribuer à servir la paix en invitant au dialogue.
Les droits humains ne parlent pas de la démarche non-violente mais ils peuvent en crédibiliser les raisons fondamentales. L’acte de foi en la dignité n’impose-t-il pas le refus de la destruction de l’autre ? La référence à la fraternité ne pousse-t-elle pas à découvrir les richesses de l’ennemi ? Le rejet de la violence comme mode d‘action peut conduire à l’invention commune de la paix.
Plus jamais cela !
Quelle utilité face à la guerre ?
« Plus jamais cela ! ». Les règles internationales n’ont jamais empêché les conflits. Avec la naissance du « droit humanitaire » et de la Croix Rouge (1863), des organismes ont voulu relever le défi « d’humaniser la guerre ». Protéger les « civils », soigner les blessés, interdire les pratiques telles que la destruction massive et systématique et l’élimination d’un peuple entier, torture, viol, traitements inhumains, affamer une population, etc… À partir de ce socle juridique international, des gouvernements et des organisations mondiaux ou nationaux peuvent non seulement dénoncer de telles inhumanités – il est sain de ne pas demeurer muet – mais aussi lancer des appels pour que leurs auteurs soient poursuivis.
L’éducation à la paix ainsi que la formation permanente restent déterminantes pour permettre à l’individu d’apprendre à grandir dans le respect et l’épanouissement de la dignité de tous. Pour aider à redécouvrir la nécessité du droit dans toute société. À créer les conditions politiques et sociales « d’agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité » (Déclaration universelle).
La dynamique des droits de l’homme ne supprime en rien les violences. Le dur chemin vers la paix est éclairé par les lueurs d’espoir que constituent les droits humains et surtout celles et ceux qui les incarnent.
Guy Aurenche est l'auteur de : Droits humains, n’oublions pas notre idéal commun. Temps Présent. 2018