Retour sur les rencontres de Bujumbura: du 2 au 7 novembre, une délégation de Pax Christi International – composée des représentants des sections de Belgique, Hollande et France – a rejoint à Bujumbura les lauréats de l’Union panafricaine des bâtisseurs de paix (UPA-BP) pour la célébration des 20 ans de l’organisation.
C’est au cœur du quartier populaire de Kamenge que les trois premiers jours de rencontres se sont déroulés, accueillis par le centre CJK (Centre jeunes Kamenge) – lieu soutenu par Pax Christi – qui propose des activités sportives, culturelles, éducatives, ainsi que des formations à la non-violence active pour prévenir notamment la criminalité des jeunes.
Qui est l’Union panafricaine des bâtisseurs de paix (UPA-BP) :
Cela fait vingt ans que l’UPA-BP œuvre pour le développement d’une culture de paix et une résolution pacifique des conflits en Afrique par le biais de l’éducation et de la non-violence active. Chaque année, sont élus des lauréats qui se retrouvent pour un temps de formation en vue d’approfondir leurs liens et leurs compétences en matière de non-violence et de promotion de la paix. Chaque organisation membre du réseau apporte son expérience et ses initiatives pour un partage régional destiné à enrichir les pratiques, consolider l’engagement pour une paix durable et renforcer la solidarité entre les pays.
Actuellement, l’UPA-BP regroupe 68 associations membres et s’appuie sur 350 lauréats formés, présents dans 15 pays (Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Centrafrique, Congo Brazzaville, République démocratique du Congo, Côte d’Ivoire, Kenya, Nigéria, Ouganda, Sénégal, Togo, Bénin, Tchad, Belgique, Allemagne).
Quels liens avec Pax Christi ?
Outre le fait que Pax Christi fasse partie du Conseil d’administration de l’organisation, certaines associations faisant partie du réseau de l’UPA-BP sont aussi membres de Pax Christi International facilitant ainsi le travail commun et encourageant les synergies. C’est le cas du Centre National pour la Non-Violence Active (CNNVA) de Centrafrique ou l’organisation Africa Reconcilied de République démocratique du Congo par exemple. Les projets menés par ces deux organisations couvrent des domaines et des publics très variés et complémentaires.
En Centrafrique – pays où la violence reste importante et répandue suite aux trois guerres civiles qui ont ravagé le pays au cours de cette dernière décennie – l’accent est mis sur la formation de la jeunesse (avec la mise en place de programmes d’éducation à la paix adaptés aux primaires et aux secondaires), des leaders traditionnels et religieux (qui sont proches des communautés) des forces de police (dont le lien avec les populations locales doit être renforcé) et encouragent la promotion et l’autonomisation des femmes.
En RDC, les actions effectuées dans la région des Grands Lacs (à l’est du pays) se concentrent sur la résolution pacifique des conflits entre communautés (par le dialogue interconfessionnel et la communication non-violente), sur l’entreprenariat des jeunes (pour éviter leur enrôlement dans des bandes armées) et sur la protection de l’environnement par des actions de sensibilisation et de formation au développement d’activités génératrices de revenus écologiques.
Les trois premiers jours de rencontres ont permis aux différents membres du réseau de faire connaître leurs activités respectives, d’accueillir les nouveaux lauréats et de formuler des projets de retour.
Une attention particulière a été portée sur la situation dans le pays d’accueil, le Burundi. Les tensions entre communautés ethniques restent importantes, les enjeux économiques et de développement complexes, sans compter la proximité du pays avec la région de RDC qui subit actuellement une guerre avec le Rwanda et dont les réfugiés sont accueillis ou transitent par le Burundi. Des initiatives de paix et réconciliation entre communautés sont portées par les membres du réseau de l’UPA-BP.
Pax Christi soutient également des actions à caractère social, comme par exemple une association de mères célibataires qui assiste les jeunes femmes qui subissent rejet et marginalisation du fait de leur grossesse précoce. L’association agit activement pour les aider à poursuivre leurs études, élever leurs enfants dans de meilleures conditions de vie, d’accéder à des soins et de développer des activités génératrices de revenus.
La coprésidente de Pax Christi International, Sr Teresia Wamuyu, est intervenue lors de l’Assemblée Générale de l’UPA-BP.
Elle a rappelé que le rôle de la société civile et de l’église était de sensibiliser les leaders – qui sont loin des réalités de terrain – sur les défis relatifs à la paix dans les communautés à l’exemple de Jésus Christ, qui allait à la rencontre de la foule et lui offrait un regard de compassion. Les populations ont tous les éléments pour vivre en paix, à travers des chemins non-violents.
Messe œcuménique pour la paix
Les trois premiers jours de rencontres se sont clôturés par la célébration d’une messe pour la paix œcuménique, animée par la chorale des jeunes du CJK. Le message spirituel transmis lors de cette célébration s’appuyait sur l’importance de l’humilité pour gérer et résoudre les conflits, souvent provoqués par le désir désordonné de pouvoir, de domination de l’autre et d’accaparement des richesses. Chaque artisan de paix est appelé à mener sa mission en fonction de ses dons et dans l’environnement qui est le sien pour faire avancer la fraternité, la compassion et le respect de la dignité humaine. Trop de souffrances et de blessures sont encore causées par les conflits armés, qui retardent le développement des nations. Car il ne peut y avoir de développement sans paix. L’enjeu est important, il faut travailler à construire la paix au quotidien. La paix n’est pas seulement une mission et des tâches à réaliser, c’est aussi un art de vivre, un état d’esprit, une spiritualité à mettre en pratique chaque jour en accueillant les défis, les obstacles et les grâces.
Repenser la sécurité en Afrique
Au cours des deux derniers jours de la mission, l’UPA-BP et Pax Christi sont allés à la rencontre de la représentation de l’Union africaine pour échanger sur le projet « Repenser la sécurité en Afrique ». Initié en 2018 en Allemagne, il vise à encourager le déploiement d’unités de bâtisseurs de paix (peacebuilders) en parallèle et en complément des opérations de maintien de la paix sur le continent.
Ce projet est parti du constat que les réponses apportées aux enjeux de sécurité n’ont pas réussi à préserver l’Afrique des conflits armés et qu’il était essentiel de réfléchir à une nouvelle approche pour obtenir une paix durable, basée sur un engagement plus important de contingents civils formés à la non-violence, aux questions militaires et de sécurité, qui veilleraient à la consolidation de la paix dans les communautés suite au retrait des forces militaires d’intervention en zone de conflit. C
ette nouvelle approche de la sécurité implique d’agir sur différents aspects, incluant la gestion civile des conflits, le développement durable et la protection de l’environnement, un voisinage équitable entre les pays européens et africains, des relations externes justes et un dynamisme communautaire sur le terrain.