La disparition

Qu’allons nous faire après les émeutes consécutives à la mort de Nahel ? Simplement se réjouir de la « disparition » des émeutiers,  et détourner le regard des quartiers populaires jusqu’à la prochaine fois ? Découvrez l’éditorial d’Alfonso Zardi. 
Alfonso Zardi, délégué général de Pax Christi France
Alfonso Zardi
Délégué Général de Pax Christi France

L’odeur âcre des pétards et des lacrymogènes s’est dispersée depuis longtemps, restent les traces de goudron cramé, les abris-bus fracassés avec leurs cortèges de faux « diamants » en verre disséminés de partout, les façades noircies, les devantures de magasins occultés par du contreplaqué… D’ici quelques semaines, les dernières traces du feu et des destructions auront disparu, nos villes et villages retrouveront l’aspect habituel. Des « émeutes », il ne restera presque plus rien et c’est tant mieux ainsi.

Et les « émeutiers » ? Retournés à leurs quartiers en souffrance, à leurs familles ébranlées, à leurs écoles débordées, à leurs « squares » que dealers et policiers visitent bien plus que les animateurs sociaux ou les curés, disparus eux aussi ?

Restaurer des maisons détruites est plus facile et moins coûteux que rétablir la confiance, le dialogue et la communauté. Alors qu’un été torride nous permet de toucher ce qu’est vivre dans une « maison commune » qui brûle littéralement sous nos yeux, nos quartiers périphériques, nos villes et villages, nos associations et familles éprouvent les affres d’une « déconstruction » sociale  – possible et même, à certaines conditions, souhaitable, s’il y avait un projet politique derrière – qui, loin de nous opposer les uns aux autres, nous éclate en « monades » qui ne se connaissent ni se reconnaissent plus.

Piller, fracasser, balancer des grenades apparaît comme un jeu désespéré que ne soutient plus aucune espérance d’un demain si ce n’est meilleur, du moins différent. Dispersés par la police, privés de marchandises à voler ou de mairies à brûler, les « émeutiers » se sont évanouis, certains fiers de leurs gestes, d’autres indifférents ou ignorants de ce que leurs comportements pénalement répréhensibles, cela va de soi, leur coûtera.

Et notre société, nos églises et nos écoles, seront-elles entretemps devenues plus accueillantes, plus fraternelles, plus justes, à telle enseigne qu’il n’y aura pas de « prochaine fois » ?

La tranquillité retrouvée ne doit pas nous leurrer. Nous ne devons pas nous préparer à « mater » la prochaine révolte de façon plus efficace, ayant appris les leçons de cette dernière vague. Oui, la prochaine fois la police sera plus efficace, la justice plus rapide, les peines plus exemplaires. Et notre société, nos églises et nos écoles, seront-elles entretemps devenues plus accueillantes, plus fraternelles, plus justes, à telle enseigne qu’il n’y aura pas de « prochaine fois » ?

Aurons-nous à partir d’aujourd’hui pratiqué le dialogue et le respect, agi avec justice et bienveillance, éduqué avec autorité et persuasion pour que la paix revienne et habite parmi nous ?

C’est à cette seule condition que ces énièmes « émeutes » auront été les dernières et que les « émeutiers » redeviendront ce qu’ils n’auraient jamais dû cesser d’être : des frères.