EACOP : des croyants mobilisés corps et âmes contre l’oléoduc

A la veille de l’Assemblée Générale de TotalEnergies, des représentants de Pax Christi France, dont le délégué général Alfonso Zardi, ont participé le 25 mai dernier à une action de désobéissance civile interreligieuse organisée par le mouvement GreenFaith en plein Paris pour exiger le retrait immédiat du projet d’oléoduc EACOP.
 

1443 secondes. C’est la durée de l’action interreligieuse Corps et âmes contre EACOP qui a rassemblé le 25 mai personnalités religieuses et croyants sur la passerelle Leopold Sédar Senghor à Paris (07) pour exiger l’abandon par TotalEnergies du projet d’oléoduc Petrole brut d’Afrique de l’Est (EACOP). 1443 c’est aussi le nombre de kilomètres que doit parcourir ce pipeline à travers l’Ouganda et la Tanzanie expropriant 100 000 personnes et endommageant 16 aires naturelles protégées sur sa route. « C’est une aberration d’un point de vue éthique. Total s’attaque à la fois aux Droits Humains et au vivant », déplore Martin Kopp, théologien protestant, chargé de mobilisation pour GreenFaith. Ce mouvement à l’origine de la manifestation avec Extinction Rebellion Spiritualités, a réuni neuf représentants religieux et des militants de toutes confessions. Pour s’opposer au projet de TotalEnergies, tous ont choisi la voie de la désobéissance civile : enchaînés les uns aux autres, ils ont bloqué la passerelle Senghor qui enjambe la Seine, en plein cœur de Paris. Là, les personnalités réunies ont chacune lu une déclaration ou un témoignage de victimes directes de l’oléoduc. Autant d’appels lancés aux actionnaires de TotalEnergies qui devaient se réunir le lendemain en Assemblée Générale.

EACOP: Mgr Marc Stenger, évêque émérite de Troyes, participe à l'action Corps et âmes contre Eacop

Mgr Stenger (au centre), évêque émérite de Troyes, co-président de Pax Christi International

« La désobéissance civile, on y arrive quand on n’est pas entendus par d’autres moyens. Avant cette action, nous avons adressé une lettre à Total pour demander à être reçus, cela n’a pas abouti », souligne Caroline Ingrand-Hoffet, pasteure de la paroisse protestante de Kolbsheim en Alsace, qui a notamment participé au mouvement d’opposition au Grand Contournement Ouest de Strasbourg. « C’est une dénonciation de choix qui peuvent être délétères pour la vie de l’Homme. Nous devons défendre le vivant », complète Mgr Marc Stenger, évêque émérite de Troyes et coprésident de Pax Christi International.

Un engagement religieux contre EACOP

Toutes les personnalités présentes ont témoigné de la manière dont leur religion appelle à respecter la Terre, à la considérer comme un bien confié à l’Homme dont il faut prendre soin. « Les religions ont un rôle d’éveil des consciences à jouer », assure Kankyo Tannier, nonne bouddhiste venue spécialement du monastère zen de Weiterswiller en Alsace aux côtés du maître bouddhiste Olivier Reigen Wang-Genh. Et ce dernier d’ajouter : « nous tenons à montrer que les religions ne sont pas hors du monde, que nous sommes extrêmement sensibles au climat, à la nature ». A quelques pas, deux rabbins, Yeshaya Dalsace et Gabriel Hagaï, discutent avec l’islamologue Ousmane Timera. « La foi est faite pour transformer le monde dans le sens du bien et de la justice. On ne peut pas être un fidèle égoïste. Le paradis ne s’obtient que dans l’action pour tous », explique ce dernier, qui aimerait désormais voir ce type d’actions se multiplier et les témoignages de solidarité se propager au sein des différentes communautés. Le rabbin orthodoxe Gabriel Hagaï y voit aussi un devoir « motivé par notre engagement religieux qui est à la fois vertical, au service de Dieu, et horizontal, au service de l’humanité et de la création divine. »

Agir contre EACOP en cohérence avec sa foi

Les participants avaient été préalablement alertés des risques encourus pour leur participation au blocage d’un lieu public. Les forces de l’ordre arrivées sur place dès le début de l’action se sont toutefois tenues à distance. « Ici, nous ouvrons un espace plus militant, c’est un mot noble « militant ». En prenant un risque pour soi, on espère provoquer un sursaut. Après tout Esaï s’est promené nu pendant trois ans, nous pouvons bien nous enchaîner pendant 1443 secondes! Nous devons nous interroger : jusqu’où sommes nous prêts à aller ? Est-ce que nous sommes prêts à ce que ça nous coûte ? », poursuit Martin Kopp. Un questionnement partagé par les jeunes participantes à l’action. A 25 ans, Juliette, 

EACOP: deux rabbins et un islamologue mobilisés contre l'oléoduc

L’islamologue Ousmane Timera et les rabbins, Yeshaya Dalsace et Gabriel Hagaï

étudiante en littérature comparée à l’École Normale Supérieure, débute son engagement au sein de GreenFaith. « Je suis baptisée catholique, et pour moi la question de la cohérence est centrale. Je ne peux pas ne rien faire, c’est ancré dans le fondement de ma foi de se mobiliser pour autrui », témoigne-t-elle.

Paix et justice climatique menacées par EACOP

Sous le soleil de midi, chants et temps de silence ont ponctué les différentes interventions.  Le choix de ce lieu suspendu au-dessus du fleuve parisien ne doit rien au hasard. Les organisateurs de l’action ont pointé qu’avec ses 1443 de long, l’oléoduc mesurera deux fois la Seine. « Imaginez qu’à la place de l’eau vivante qui circule sous nos pieds, c’est du pétrole chauffé à 50°C qui coule et transporte avec lui le poids des populations déplacées et d’une biodiversité exterminée », interpelle Amélie de GreenFaith. Au sein de la réflexion sur les conséquences d’un tel projet, la question de la paix est centrale, et avec elle, celle de la justice climatique. En témoignent les effets du réchauffement climatique sur les populations les plus vulnérables, les migrations, les conflits sociaux, les tensions entre nations qu’ils occasionnent. « J’espère que les évêques de France ne resteront pas sourds à l’appel lancé, la conversion écologique doit continuer à faire partie du message de l’Église », insiste Alfonso Zardi, délégué général de Pax Christi France. Ce travail de conversion, Alfonso Zardi invite l’Église de France à le mener dans un cadre œcuménique et interreligieux à l’image de cette action, jusqu’alors inédite en France. Et le responsable du Mouvement de conclure : « frères évêques, ne nous décevez-pas ! » 

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