Inspiré par la publication du message du Pape pour la journée mondiale du migrant et du réfugié, Alfonso Zardi appelle à une « Journée française pour la prise de conscience de nos devoirs envers tout être humain »
Alfonso Zardi
Dans une indifférence quasi générale, car l’actualité était bien remplie ce jour-là, le pape a publié, le 11 mai, son message pour la journée mondiale du migrant et du réfugié. Il l’a fait avec quelques mois d’avance, car la journée en question sera célébrée le 24 septembre. Une chance que ce jour-là nulle autre cause vienne se superposer à celle à laquelle l’Eglise et le pape notamment, nous invitent à réfléchir (il faut dire que les journées « internationales » proclamées par les Nations Unies sont au nombre de 179 sur l’année !).
Donc, nous pourrons nous concentrer sur les migrants et réfugiés à qui le pape ne cesse de porter une attention soutenue. Depuis son premier voyage hors les murs du Vatican en juillet 2013, à Lampedusa, le sort de celles et ceux qui traversent notamment la mer Méditerranée pour atteindre les rives du nord opulent en quittant le sud en guerre, ne cesse de le préoccuper.
Il l’a dit et il l’a fait : ses visites dans des pays d’émigration (le Soudan du Sud) et dans les pays de transit (la Grèce) ont été l’occasion non seulement de parler aux gouvernants mais aussi de rencontrer les personnes fuyant la famine, la guerre ou la sécheresse qui les privent d’un foyer sûr, de la sécurité et de l’avenir auquel elles ont pleinement droit. Récemment à Budapest, dans une Hongrie qui s’entoure de barbelés pour repousser les immigrés comme d’autres élèvent des murs ou sèment des pièges dans le no-man’s land qui les sépare du voisin, il a rappelé au premier ministre Orban,
qui se pare de vertus chrétiennes pour défendre la « magyarité » de la nation, que le bon roi Etienne, fondateur de la Hongrie moderne, recommandait à son fils « d’accueillir bien volontiers les étrangers et de les considérer avec honneur, afin qu’ils préfèrent rester chez toi plutôt qu’ailleurs ». Et d’ajouter : « pour ceux qui sont chrétiens, l’attitude de base ne peut pas être différente de celle que saint Étienne a transmise, après l’avoir apprise de Jésus qui s’est identifié à l’étranger à accueillir ».
Dans son message d’il y a quelque jours le pape pose une autre question : ne faut-il pas enfin penser le migrant et le réfugié non pas et en tant que « demandeur de droits » (à l’accueil, au statut de réfugié, à la vie, tout simplement) qu’on s’évertue dans toutes les enceintes, y compris législatives, à grignoter, restreindre et réduire, mais en tant que « victime d’une violation caractérisée de son droit à ne pas migrer ». Oui, victime des guerres civiles ou par morceaux, des déforestations massives, des exploitations forcenées des ressources, des changements climatiques que nous, le Nord riche, sans
crédit photo: Jesuit refugee service international
doute provisoirement, induisons avec autant de conscience que d’aveuglement sur le « sud global » d’où nous vient cette humanité que notre comportement « globalement » irresponsable force à la migration.
Avant de bien faire, arrêtons de mal faire : « mettons fin à la course aux armements, au colonialisme économique, au pillage des ressources des autres, à la dévastation de notre maison commune ». Rare cohérence et voix qui résonne dans le vide d’une journée – le 24 septembre – dégagée d’autres appels et d’autres engagements ? Ce jour-là notre parlement sera peut-être engagé dans l’examen d’une nouvelle loi qui réglemente, encadre et finalement réduit les droits et augmente les devoir des immigrés et des réfugiés, quels qu’ils soient. Il ne serait pas vain que nos édiles fassent de cette journée mondiale, qui leur passe par-dessus la tête, la journée française de la prise de conscience de nos devoirs à l’encontre de l’humanité que nous refusons d’accueillir.