75 ans après, la Nakba est toujours en cours

A l’occasion du 75ème anniversaire de la Nakba, Pax Christi International appelle la communauté internationale à reconnaître et à mettre un terme au processus d’anéantissement du peuple palestinien par l’Etat d’Israël. Car les effets de la grande catastrophe, la Nakba, qu’a connu le peuple palestinien en 1948 sont toujours en cours.

Ci-dessous, l’intégralité de la déclaration du Mouvement.

En 1948, l’État d’Israël était créé. Pour ce faire, plus de 750 000 Palestiniens ont été expulsés, forcés par la violence, la peur ou l’intimidation à fuir leur foyer. Plus de 400 villes et villages palestiniens ont été intentionnellement détruits par les milices qui deviendront plus tard les forces de défense israéliennes. Des milliers d’autres Palestiniens sont devenus des déplacés internes au sein du nouvel État. Tous ont été, et continuent d’être, privés de leur droit au retour en violation de la résolution 194 de l’ONU et Article 13(2) de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Des générations de réfugiés palestiniens sont ainsi nées, conservant les clés de leur maison et les documents ottomans de propriété foncière.

Le 15 mai 2023 est tristement marqué par la 75ème commémoration de la Nakba et le souvenir de 1948 considéré comme une année charnière au cours de laquelle la politique de destruction, d’effacement et de colonisation de la Palestine a été la plus agressive. Mais ce processus, qui a atteint son paroxysme entre 1947 et 1949, avait été précédé par de nombreuses années d’efforts lents et méthodiques dans l’objectif de parvenir à la création d’un État juif en Palestine. Un projet enhardi par la déclaration Balfour de 1917. Cette lettre de soixante-sept mots, conçue pour servir les intérêts géopolitiques de l’époque, a donné une légitimité à cette vision, offrant effectivement la terre d’un peuple à un autre.

Événement fondateur dans l’histoire du peuple palestinien, la Nakba est souvent ignorée, déconsidérée ou niée. Pourtant, comme l’a déclaré Yara Hawari, analyste senior chez Al-Shabaka, c’est « le seul événement qui relie tous les Palestiniens à un moment précis de l’histoire. Qu’ils vivent en exil en tant que réfugiés, en tant que citoyens nominaux d’Israël, sous occupation militaire en Cisjordanie ou assiégée à Gaza»(1).

Comme toutes les atrocités, la Nakba doit être reconnue à la hauteur du cataclysme qu’elle a provoqué, et provoque encore aujourd’hui. La dévastation infligée à toute une population ne peut être minimisée. Le faire déshumanise la douleur de millions de personnes, « suggérant que les Palestiniens ne sont pas dignes que des crimes commis contre eux soient reconnus et pleurés ».(2)

Il est crucial de reconnaître que la Nakba n’est pas seulement une étape historique mais un fléau sans fin

A l’occasion de ce soixante-quinzième anniversaire, il est crucial de reconnaître que la Nakba n’est pas seulement une étape historique mais un fléau sans fin. Aujourd’hui, le traumatisme de la Nakba se poursuit à travers chaque ordre d’expulsion, chaque démolition de maisons ou d’écoles, chaque incursion dans un village, un camp de réfugiés ou un lieu de culte, chaque destruction d’oliveraies anciennes et précieuses, chaque confiscation de terres et chaque enfant ou prisonnier politique détenu dans le trou noir de la détention administrative.

Une délégation de membres de Pax Christi International s’est récemment rendue en Terre Sainte. Ce dont ils ont été témoins et ce qu’ils ont entendu sont autant de résultats incontestables de la Nakba toujours en cours.

Ils ont été témoins de la souffrance des Palestiniens qui vivent depuis près de six décennies sous la brutalité de l’occupation militaire israélienne. Ils ont pu constater l’étendue des colonies israéliennes et les nombreux avant-postes, tous illégaux au regard du droit international, qui ne cessent de croître, consommant de plus en plus terre palestinienne. Ils se sont tenus à côté du mur imposant, qui fragmente la terre palestinienne en enclaves, coupant les Palestiniens les uns des autres et de leur terre. Ils ont entendu parler de l’augmentation des violentes attaques de colons, souvent perpétrées sous l’œil attentif des soldats israéliens. Ils ont marché au cœur d’une maison démolie – une parmi des milliers à avoir été écrasée sous les bulldozers israéliens pour poursuivre l’expansion israélienne en Cisjordanie.

une profonde préoccupation quant à la survie de la communauté chrétienne

Les membres de la délégation se sont entretenus avec des résidents palestiniens de Jérusalem-Est qui sont menacés d’expulsion pour permettre à davantage de colons de résider dans ce qui devait devenir la capitale de l’État de Palestine. Ils ont mangé avec une famille bédouine dont toute la communauté pourrait bientôt être expulsée de force. Ils se sont enfin entretenus avec les Patriarches latins, passés et présents, et d’autres chefs religieux, qui ont tous exprimé leur profonde préoccupation quant à la survie de la communauté chrétienne vieille de 2000 ans.

Nous savons que les dirigeants qui permettent à une telle situation de perdurer sont conscients de l’impact dévastateur de cette réalité sordide à laquelle les Palestiniens sont confrontés chaque jour. Nous sommes tenus de les interpeller : quand mettront-ils de côté les commentaires inquiets, vides de sens, pour agir en faveur de la liberté, de la justice et de la dignité du peuple palestinien, ainsi qu’ils l’ont promis ?

En ce jour sombre, Pax Christi International appelle la communauté internationale à exiger qu’un terme soit mis à l’implacable Nakba en cours. Sans actions volontaristes pour arrêter l’expansion des colonies, l’occupation militaire de la Cisjordanie, le siège et la mainmise sur Gaza, le peuple palestinien ne pourra sortir du cauchemar qu’il vit depuis plus de sept décennies. La reconnaissance du passé et de la responsabilité des efforts continus d’Israël pour débarrasser la terre entre le fleuve Jourdain et la mer Méditerranée de ses peuples autochtones, sont des étapes cruciales pour enfin ramener la paix, et avec elle la justice et la dignité pour tous ceux qui vivent en Terre Sainte.

  1. Yara Hawari, “Palestine Sine Tempore?” Rethinking History 22, no 4 (2018): 167
  2.  Greg Shupak, “Erasing the Nakba, Upholding Apartheid” Institute of Palestine Studies, Issue no. 8 (2022): 9

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