Il n’est plus de semaine, voire de jour, sans des nouvelles de morts, de violences, de manifestations dans les villes d’Israël et de Palestine, dont l’État juif a le contrôle. De retour d’Israël, en passant par Jérusalem, le délégué général de Pax Christi France partage son analyse de la situation politique.
Alfonso Zardi
La première démocratie (la seule ?) du Moyen Orient vit les pires tensions qu’elle ait connues depuis son indépendance, arrachée de vive lutte tant contre la puissance mandataire de l’époque, la Grande Bretagne, qu’à l’égard des États arabes qui l’entouraient : le Liban, la Syrie, la Jordanie et l’Égypte. En cause, une transformation profonde de la société israélienne s’éloignant de plus en plus du modèle de démocratie libérale et d’État laïc qu’avaient envisagé ses fondateurs pour s’ériger en État « ethnoreligieux » des seuls juifs, où les non-juifs (quelle qu’en soit l’identité : nationale, religieuse, voire aucune, l’apatridie étant aussi un statut) sont systématiquement marginalisés.
Cette société, dans laquelle les juifs nés dans l’État d’Israël constituent désormais la majorité, se conçoit comme autosuffisante et pleinement justifiée dans sa possession de la terre sur laquelle elle vit. Un droit « divin » est en train de se substituer au droit positif voté par le parlement – et la communauté internationale – et une histoire qui fait fi de tout ce qui n’est pas juif est en train de s’écrire. Le monde découvre qu’une démocratie
« illibérale » aux traits encore plus durs que celle qui se pratique ou voudrait se pratiquer en Pologne ou en Hongrie, est en train de naître à ses portes. Mais ce qui n’est pas permis à M. Orban ou à M. Duda, du fait notamment de l’Union européenne, attentive au respect des droits fondamentaux, semble l’être à M. Netanyahou sur lequel les pressions internationales glissent comme de l’eau de pluie sur un caillou.
Dans cette tourmente les seuls perdants sont les Palestiniens
Pourtant, les signaux de cet éloignement de la pratique de la démocratie libérale sont nombreux et visibles : usage désinvolte des procédures parlementaires pour se maintenir au pouvoir, faveurs accordées aux minorités religieuses juives, tentatives répétées de réduire l’indépendance des corps d’État échappant au contrôle de l’exécutif. Seule la forte minorité d’Israéliens n’ayant pas voulu de ce gouvernement (qui ont « perdu » à quarante mille voix près) s’obstine à protester contre cette dérive que la communauté internationale condamne mollement sans y croire vraiment.
Dans cette tourmente – que certains seraient tentés de considérer comme une preuve de la vitalité de la démocratie israélienne – les seuls perdants sont les Palestiniens : ceux qu’Israël a annexés de force en 1948, au moment de l’indépendance, sans leur accorder les mêmes droits qu’aux juifs, ceux qui vivent depuis 1967 dans les territoires occupés et à plusieurs endroits, annexés illégalement par Israël, ceux qui demeurent tolérés et marginalisés dans les États arabes voisins.
Les non-juifs sont progressivement menacés, intimidés, repoussés de plus en plus à l’écart de la société civile
Refusant d’abord par omission et maintenant par choix politique assumé, la solution à « deux États » (Israël et Palestine, sous la conduite de l’Autorité palestinienne), Israël rend en même temps impossible la cohabitation des deux peuples au sein du même État. Celui-ci sera juif ou ne sera pas. Les non-juifs sont progressivement, subrepticement, ouvertement menacés, intimidés, repoussés de plus en plus à l’écart de la société civile, de la communauté politique, de leurs terres ancestrales. Ils sont privés des conditions d’une vie décente, volés de leur passé, interdits de futur. Se soumettre et accepter un statut d’infériorité, ou partir sans espoir de jamais revenir.
Le silence de la communauté internationale face à cette tragédie – celle d’un « effacement » que d’autres peuples ont connu et qui est notamment au cœur de la guerre en Ukraine – est proprement assourdissant. Celui des Églises, notamment en Europe, l’est davantage et ne peut pas ne pas interpeller. Le scandale d’une Terre Sainte s’abreuvant du sang de ses enfants est proprement intolérable. Pape François, ce Vendredi Saint, fais ton chemin de croix à Jérusalem, et ne reviens pas à Rome avant que la paix soit faite « sur la terre comme au ciel », ici-bas, dans la terre où Jésus a versé son sang !
Le vendredi Saint, Jour de la Passion du Christ, le Saint-Siège recommande aux fidèles d’offrir une aumône en faveur des chrétiens de Palestine et des Lieux Saints. Ainsi, la quête du Vendredi Saint soutient la présence chrétienne en Terre Sainte à travers des œuvres éducatives, sociales et paroissiales.