Alfonso Zardi
Dans ses vœux au corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège, le 9 janvier dernier, le pape François a mentionné l’encyclique Pacem in Terris, publiée par le pape Jean XXIII en avril 1963. Le soixantième anniversaire de ce texte d’une grande originalité théologique et d’une grande force politique, constitue en effet une occasion à saisir. Dans le contexte actuel, marqué par la guerre en Ukraine et le recours par la Russie à la menace nucléaire, la référence à Pacem in Terris est intéressante. François semble y trouver une sorte de « validation » de ses craintes que ces armes, « par surprise ou par accident », puissent nous entraîner dans un holocauste nucléaire. Qui plus est, le pape attribue la sortie (pacifique) de la « crise des missiles de Cuba » de 1962 et qui faillit se régler à coups de missiles balistiques, « aux hommes de bonne volonté qui surent trouver des solutions appropriées pour éviter que la tension politique ne dégénère en une véritable guerre ».
Ces hommes de bonne volonté étaient convaincus – nous dit encore François – que « les différends pouvaient être résolus dans le cadre du droit international et par le biais des organisations ayant vu le jour après la Seconde Guerre mondiale – principalement les Nations Unies – et qui ont développé la diplomatie multilatérale ».
Faut-il voir en ces propos une critique de la façon dont fut gérée par tous les pays intéressés – et certainement par la Russie
en premier lieu – la longue « transition » vers la guerre ? Ou une évocation du fait que si, en 1962, l’ONU ne fut pas impliquée dans la recherche d’une solution pacifique, elle réactiva tout de suite après les négociations qui menèrent, toujours en 1963, au premier traité d’interdiction des essais nucléaires dans l’atmosphère ?
Difficile de se prononcer mais difficile aussi d’échapper à l’impression que le pape, alors que sont abandonnées pour le moment les velléités de médiation, remet à l’honneur la « diplomatie multilatérale » sous les yeux et en présence des ambassadeurs des pays qui ont des relations diplomatiques avec le Saint-Siège et qui n’ont pas voté, dans leur grande majorité, avec les Occidentaux pour condamner la Russie et soutenir l’Ukraine.
Tous ces pays-là, souffrant des conséquences du conflit mais ne voyant pas de raisons de s’aligner sur les positions américano-européennes, disposent en effet d’une majorité au sein de l’Assemblée générale de l’ONU, qui pourrait changer le cours de la guerre. Le pape ne le sait peut-être pas, mais les diplomates se souviennent qu’au début de la guerre de Corée (1950) ce fut l’Assemblée générale qui, face à l’incapacité du Conseil de Sécurité d’agir, adopta à la quasi-unanimité une résolution prévoyant des mesures concrètes pour arrêter l’agression de la Corée du Nord.
Le parallèle s’arrête là, car trop nombreuses sont les différences entre la situation d’il y a 70 ans, et celle d’aujourd’hui. Mais il n’en reste pas moins vrai que la sortie de crise ne saurait résulter de la victoire d’une coalition sur l’autre mais de l’implication dans la recherche de la paix de la grande majorité des États, indifférents, neutres ou dégoûtés de cette guerre « de riches » alors qu’ils ploient sous l’imminence de la catastrophe climatique et la réalité de la faim, de la déforestation, de la pandémie.
Pour qu’ils soutiennent « nos » bonnes raisons – qui sont celles de la justice, de la vérité, de la solidarité et de la liberté qu’énumère Pacem in Terris et que François détaille devant les ambassadeurs – « nous » devons à ces États la justice, la vérité et l’équité dans les relations internationales, le commerce, le respect de leur histoire et de leur dignité. Alors ils pourront soutenir avec nous, sans honte ni compromission, une paix juste dans laquelle ils seront partie prenante. La « troisième guerre mondialisée » se déroulant sous nos yeux (et que le pape appelle « guerre par morceau ») ne sera résolue que par une « paix mondialisée » à la table de laquelle tous les États de la planète seront conviés. Pour mémoire, la résolution de l’Assemblée générale de 1950 s’intitulait : union pour le maintien de la paix…
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