Pax Christi a appris avec émotion le décès de Michel Rougé, rappelé à Dieu le 1er décembre 2022. Ami du Père Lalande, il a œuvré sans relâche au service de la paix. Le Mouvement tient à lui rendre hommage et exprimer ainsi sa gratitude pour son engagement infaillible.
Veuillez trouver ici un extrait de l’homélie prononcée par Mgr Matthieu Rougé, évêque de Nanterre, lors des obsèques de son père:
« [Papa] était intensément « chrétien dans la cité », pour gloser sur le titre d’une fameuse lettre pastorale du Cardinal Suhard rédigée avec la collaboration de notre grand ami le P. Bernard Lalande. Papa était entré dans le Service Public, à la Direction du Trésor, comme on entre en religion. Jusqu’au dernier jour, il a été habité, tourmenté, par l’acuité des questions monétaires contemporaines. Son penchant pour les langues (l’anglais bien sûr mais aussi le russe, le bulgare, le grec moderne, le tagalog et quelques autres) exprimait son goût de la rencontre, de l’échange, de l’aide au développement et de la construction de la paix : « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 9). Papa m’a souvent raconté combien il avait été saisi par la lecture, dans le New-York Times, d’un seul trait, dans le métro de New-York, dès sa publication, de la constitution du concile Vatican II Lumen Gentium sur le mystère de l’Eglise et, en particulier, la vocation des baptisés dans la cité. Il se sentait appelé à être un Lévi (ou Matthieu),

des finances de l’Evangile, que le Christ aurait invité non pas à quitter son travail mais à le vivre désormais comme un lieu de sanctification par le service de la paix.
Grâce au P. Lalande, grâce à Pax Christi, Papa a constamment cultivé la cohérence entre sa foi et son engagement d’Administrateur civil français dans la vie internationale. Je me rappelle ce jour où, au seuil d’une négociation finale et décisive de la CNUCED, la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement, en 1987 à Genève, Papa a invité tous ses collègues, en séance, à faire silence un moment pour prendre la mesure de leur responsabilité, une manière d’invitation discrète à la prière.
Epoux, chrétien dans la cité, Papa était plus profondément encore un croyant constamment en chemin, un chercheur d’eau vive comme le chante le Psaume 62 : depuis son baptême dans la collégiale Notre-Dame de Beaune jusqu’à son ultime demande des derniers sacrements il y a quelques jours, en passant par le service de l’autel dans la minuscule église de Saint-Ambroix, dans le Berry de son enfance, l’aumônerie de Sciences-Po, les grandes étapes sacramentelles de notre famille, les Messes familiales de Saint-Thomas More à New-York et ses engagements paroissiaux à Saint-Sulpice. Il y eut, pour Papa, une nuit de lumière et de paix particulièrement marquante sur le chemin de Chartres quand il était étudiant, lors d’une paraliturgie pénitentielle au bord du grand canal du château d’Esclimont, imaginée et mise en œuvre par un certain Jean-Marie Lustiger. Peut-être est-ce à cette occasion que Papa apprit par cœur les quatre-vingt-dix-sept quatrains de la « présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres » de Charles Péguy. En voici les deux derniers : « Quand nous aurons quitté ce sac et cette corde / Quand nous aurons tremblé nos derniers tremblements / Quand nous aurons râclé nos derniers raclements / Veuillez-vous rappeler votre miséricorde. // Nous ne demandons rien, refuge du pécheur / Que la dernière place en votre purgatoire / Pour pleurer longuement notre tragique histoire / Et contempler de loin votre jeune splendeur ».