Un plus grand « nous »

Alfonso Zardi, délégué général de Pax Christi France

Alfonso Zardi

Délégué général de Pax Christi France

A la recherche d’une bonne nouvelle en cette rentrée, j’apprends la tenue, le 28 août dernier, dans la salle des fêtes de la ville de Potsdam, en Allemagne, d’une grande réception au cours de laquelle, comme le relate le journal La Croix, quelques dizaines d’hommes et femmes originaires de Syrie, souvent mariés et accompagnés de leurs enfants, ont reçu les documents officiels faisant d’eux des citoyens de la République fédérale. A quelques semaines du septième anniversaire de l’incroyable « marche » des migrants à travers l’Europe, qui avait abouti à un accueil presque triomphal en Allemagne, ces nouveaux citoyens sont le symbole de la réussite d’une politique d’intégration assumée.

Le « Wir schaffen das » (nous y parviendrons) de la chancelière Angela Merkel, était dans tous les esprits. Car, autant l’Allemagne voulait l’intégration de cette population jeune et motivée pour soutenir une économie et une démographie en berne, autant les émigrés eux-mêmes, victimes d’un rejet délibéré de la part de leur propre pays, ont voulu réaliser dans cette nouvelle « patrie » les désirs d’avenir dont leur propre pays, et la guerre et la violation des droits humains, les avaient privés.

Une coalition inédite des « bonnes volontés » et aussi un courage politique exercé au bon moment ont produit (pour l’heure, mais il n’y a pas de raisons pour que cela change) ce qu’on pourrait presque qualifier de deuxième « miracle allemand ».

Il faut s’en féliciter et se demander si, et à quelles conditions, il peut être dupliqué à l’échelle de l’Europe. Car, nonobstant les différences, et elles sont nombreuses et importantes, entre les immigrés de 2015 en Allemagne et les autres, venus majoritairement

d’Afrique et débarqués chez nous dans les conditions qu’on connaît, le fond du problème est le même : accueillir ou pas une humanité en déshérence que l’Europe est en capacité d’éduquer, de loger, de former à l’emploi, d’associer à son projet de paix et à qui elle offre de meilleures conditions de vie pour tous ?

Les crises, climatique, environnementale, sanitaire et maintenant aussi, à cause du conflit déclenché par la Russie au cœur du continent, économique, ont fait apparaître au grand jour, comme une rivière dont le cours s’assèche, les périphéries jusque-là placées dans l’ombre. Tous ces « pauvres » au sens de l’Évangile qui ambitionnent de participer au festin des nantis que nous sommes, et qui y ont droit, au nom de la commune humanité !

Dans son message pour la 108e Journée mondiale du migrant et du réfugié, le pape rappelle l’évidence (économique, sociologique, démographique) de la richesse et des bienfaits que les émigrés apportent aux sociétés qui les accueillent – et qui s’en donnent les moyens, bien évidemment (comme l’Allemagne). Mais il fait plus encore, il nous appelle nous, chrétiens, à reconnaître le caractère « inclusif » du projet du Christ, « qui place les habitants des périphéries existentielles au centre ».

Alors, mus par notre foi, confortés par la bonne nouvelle que oui, là où nous l’avons voulu et essayé, « nous y sommes parvenus », portons ce 108e message d’espoir autour de nous et aussi dans les lieux où s’exprime notre démocratie. Que la France s’apprêtant à réviser prochainement ses lois sur l’accueil des migrants et des réfugiés n’oublie pas les bienfaits et les apports des migrants qui l’ont fait grandir et surtout que « grâce à eux, nous avons la possibilité de mieux connaître le monde et la beauté de sa diversité, grâce à eux nous pouvons mûrir en humanité et construire ensemble un plus grand « nous »». Et n’est-ce pas ce dont nous avons le plus grand besoin ?