Oui, l’Europe c’est la paix

Alfonso Zardi, délégué général de Pax Christi France
Alfonso Zardi
Délégué général de Pax Christi France

Modifié le 20 juin

D’ici quelques jours, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne (le Conseil européen) se prononceront sur la demande de l’Ukraine d’adhérer à l’Union. La demande est en soi difficilement recevable, s’agissant d’un pays ravagé par la guerre, dont l’économie est aux abois, la population dispersée, le gouvernement extrêmement fragilisé. Tout le monde en est conscient et dans des circonstances « normales » – c’est-à-dire celles qui prévalaient jusqu’à la mi-février de cette année – une telle demande d’adhésion aurait été poliment repoussée ou envisagée sous l’angle d’une très longue période de transition.

Mais l’Ukraine a été agressée, l’Union européenne s’est portée à son secours, de nombreux Etats membres l’ont aidée et l’aident militairement et économiquement, et finalement l’adhésion, demandée avec insistance par le président Zelensky et appuyée par de nombreux pays de l’UE, devient une quasi-certitude.

Faut-il s’en réjouir ? Par-delà les difficultés intrinsèques de l’exercice (comment accompagner l’Ukraine dans le long chemin de l’établissement d’une véritable économie de marché, d’une administration publique efficace, d’une société libérée de la corruption ?), l’adhésion marque un choix de camp très visible et pour tout dire définitif. Dans un monde et une Europe à nouveau polarisés entre deux conceptions antagonistes de la société, de l’économie et de la souveraineté, choisir l’Union européenne revient pour l’Ukraine à se placer dans une orbite qui la soustraira à l’influence de la Russie. L’Union européenne qui devrait se dessiner dès que cette option aura été retenue sera forcément plus politique, plus affirmée, plus sûre de son bon droit et de sa raison d’être.

Les valeurs de l’indépendance territoriale de ses membres, du respect du droit international, de la démocratie et des droits de l’homme en ressortent renforcées et pour tout dire, plus « engageantes » pour l’Union qui se retrouve sur une trajectoire d’affirmation et de défense de ces valeurs sur la scène internationale.

Cette affirmation et cette défense iront-elles jusqu’à préconiser, voire exiger, une politique extérieure et de défense réellement communes ? Une armée européenne (quelle qu’en soit la configuration) ? une alliance « sui generis » avec l’Amérique ou l’OTAN ?

Toutes ces questions sont posées, il importe qu’elles fassent l’objet d’un débat démocratique et que les décisions qui seront prises le soient avec la participation des citoyens que nous sommes, d’une Europe voulue pour la paix et qui doit demeurer fidèle à sa vocation, même si ses moyens d’action et ses structures doivent évoluer.

Il est urgent d’ouvrir le chantier de la paix avec l’Ukraine au sein de l’Union qu’elle s’apprête à rejoindre « spirituellement » pour que personne ne soit l’otage de l’autre, autant de ses peurs que de ses illusions, pour avancer ensemble et donner du sens à cette « communauté de destin » si souvent proclamée et qu’il convient maintenant de traduire dans les faits.