Charles de Foucauld canonisé le 15 mai

Mardi 9 novembre 2021, le Vatican a annoncé que le religieux français sera canonisé le 15 mai prochain. A la suite de cette annonce, Pax Christi France souhaite vous offrir une réflexion sur les traces de Charles de Foucauld, ce grand spirituel du XXe siècle, messager de paix par son appel à se faire le «frère universel» de tout être humain, créé à l’image de Dieu. Sa conversion fulgurante et la profondeur de son cheminement spirituel ne peuvent qu’être source d’inspiration pour tous ceux qui sont en quête de sens et de vérité en cette période de pandémie mondiale.

Son parcours est d’autant plus singulier que c’est par le témoignage de piété et de courage de croyants musulmans que Frère Charles de Foucauld a pu revenir à Dieu après s’en être éloigné pendant une grande partie de sa jeunesse. Le fait de côtoyer des peuples du Maghreb et du Moyen-Orient au cours de sa vie de militaire, d’explorateur, puis de mystique, a eu un impact non négligeable sur sa manière d’imiter le Christ ici-bas; inspiré qu’il était par leur dévotion au Dieu Très Haut dans l’approfondissement de son propre rapport au Fils incarné et proche des hommes.

Durant les dernières années de sa vie, Frère Charles a vécu en immersion parmi les Touaregs, dont il avait appris la langue par le biais de la poésie. Dans son amitié avec ce peuple, il a su contempler la beauté de Dieu dans ses «frères» d’Islam, qu’il affectionnait tout particulièrement. Pour lui rendre hommage, Pax Christi vous propose de méditer certains aspects de sa vie et de sa spiritualité, afin d’apporter des éclairages sur les paroles du Christ: «Je vous laisse la paix, je vous donne la paix; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne» (St Jean 14, 27-28).

La manière du monde et celle du Christ sont-elles si différentes ? Comment le Christ nous donne-t-il la paix, et sommes-nous capables de reconnaître ses voies ? Jésus disait que son Royaume n’était pas de ce monde, et que pourtant il fallait le rechercher avant toute autre chose. Alors comment comprendre la présence de ce Royaume et comment, en tant que chrétien, s’en nourrir et en être ensuite témoin ? Voilà les pistes de réflexion que nous proposons aux lecteurs dans ce dossier «à l’école de Charles de Foucauld, le frère universel».

L’épreuve de ses vingt ans: le vide comme lieu de rencontre avec Dieu

La vie spirituelle est loin d’être un long fleuve tranquille ! Qui connaît un temps soit peu la vie des saints et des saintes ne le niera pas et chaque chrétien, à l’échelle de sa propre vie, peut témoigner du fait que la foi est très souvent éprouvée par bon nombre d’épreuves. La paix intérieure est loin d’être l’absence de combat, le combat spirituel fait partie intégrante du cheminement vers Dieu. Alors si le Christ donne la paix, comment la donne-t-il exactement ? Et est-elle vraiment donnée à la manière dont nous l’attendons ?

Frère Charles de Foucauld a expérimenté un tel sentiment à l’aube de ses vingt ans lorsqu’il était habité par un profond vide intérieur. Impossible pour lui de trouver la paix, et pourtant il disposait de tous les moyens du monde pour y parvenir, et notamment d’une immense fortune qui lui permettait d’accéder à tous les plaisirs immédiats qu’il convoitait.

Alors qu’il était encore jeune officier à l’école militaire de Saint-Cyr, il organisait des soirées mondaines grandioses avec ses camarades de promotion et s’efforçait de les amuser par tous les moyens possibles, dépensant son argent avec frivolité et éclat. Il était connu pour son embonpoint, pour sa paresse dans les études, son goût des femmes et un certain sens de la rébellion face à l’autorité. Les enseignements reçus à Saint-Cyr l’ennuyaient profondément et il ne savait comment se défaire de ce destin tout tracé qui ne lui procurait aucun plaisir et n’éveillait en lui aucune motivation.

Dans ses méditations rédigées à Nazareth en 1897, devenu religieux, Charles de Foucauld revient sur la période de ses vingt ans et confie avoir traversé à cette époque une véritable «nuit». Il décrit cette période comme marquée par un grand vide intérieur, qui se traduisait par une constante tristesse d’âme et un grand dégoût pour tout ce qu’il entreprenait. Détaché de la foi catholique de son enfance, et encore marqué par les deuils douloureux de plusieurs membres de sa famille, il tentait de combler ce «vide» qu’il ressentait par des excès en tout genre. Mais dans la solitude, se retrouvant face à lui-même, il ne pouvait plus dissimuler ce mal-être, qui le paralysait. Il écrira plus tard dans ses méditations concernant cette période: «je ne vois plus Dieu, ni les hommes: il n’y a plus que moi», conscient de s’enfermer dans un égoïsme mortifère, au seul service de la recherche du plaisir immédiat.

Le monde ne semblait donc lui apporter aucune paix.

Ce n’est qu’après sa conversion, en octobre 1886, que Charles de Foucauld ressentira un changement profond en lui. Il dira avoir trouvé la Source permettant de combler son âme et de lui apporter une paix désirée depuis longtemps. Il écrira dans ses méditations que son retour à la foi – qu’il associe alors à la parabole du fils prodigue de l’Évangile qui revient vers son père après avoir dilapidé sa fortune et être tombé dans la misère – est le moment décisif où Dieu lui fit le plus grand don, en lui rendant une «tunique d’innocence». Comment appréhendons-nous nos moments de vide intérieur ? Nous tournons-nous vers toutes sortes de distractions ou bien essayons-nous de combler ce vide par un temps d’intimité avec Dieu ?

Le témoignage de Charles de Foucauld, profond et radical, nous invite à avoir confiance dans le fait que Dieu peut se servir de nos sensations de vide pour préparer nos cœurs à accueillir Sa présence. A la relecture de son histoire, Frère Charles explique lui-même que ce sentiment de vide avait été salvateur, dans la mesure où il avait permis de lui faire ressentir la vie éloignée de Dieu pour mieux embrasser par la suite la plénitude de la vie avec Lui, au point de ne plus vouloir jamais s’en détacher. En d’autres termes, le vide, la soif, le désert, ont amené son âme à reconnaître ce qui était bon pour elle, la menant ainsi vers une paix véritable et des pâturages tranquilles, comme dit le psaume.

L’Évangile étant une Bonne Nouvelle, n’oublions pas de dire que la paix est un don de Dieu et il est donc possible de la demander ! Même si nous ne ressentons pas tous les jours des moments de vide existentiels, combien de fois ne nous réveillons-nous pas avec un sentiment d’agitation intérieure, d’inquiétude, de stress et d’anxiété qui nous volent notre paix ?

Le Christ nous invite à lui demander la paix pour nous-mêmes, pour nos amis, nos proches, nos voisins, et le monde qui nous entoure, à travers ses paroles «Demandez et vous recevrez» (Marc 7, 7-11). Le vide et l’agitation sont aussi des espaces où il est possible de se tourner vers Dieu et de lui demander assistance et protection. C’est une des dimensions du combat spirituel que tout un chacun doit mener au quotidien pour cheminer vers plus de paix intérieure. N’hésitons pas à recourir à la prière pour demander sans cesse que Dieu nous apporte cette paix, dont nous avons tant besoin !

Une «vie cachée», accueillir la paix de Nazareth

A l’époque d’Internet et des réseaux sociaux, les occasions sont nombreuses de partager sur sa vie et ses activités à une échelle plus large que le simple cercle familial ou amical. Les Youtubers se mettent en scène et attirent avec leurs vidéos en ligne de nombreux followers et likers avec qui ils échangent sur leurs passions, leurs idées, leurs modes de vie et de consommation.

Comme l’affirme Aristote, l’homme est animal politique et a besoin d’entrer en relation. Le rapport à l’altérité le construit et l’aide à approfondir sa propre identité, ses opinions, son authenticité. En ce sens, les réseaux sociaux sont des moyens exceptionnels pour communiquer avec le plus grand nombre, dans un monde globalisé et interactif.

Face à une telle effervescence de l’information, des modes d’animations sur la toile, le témoignage de Charles de Foucauld en faveur du silence et de la discrétion peut surprendre et interroger !

Dans un monde bruyant et en constant mouvement, il pourrait paraître à contre-courant de porter une invitation à la lenteur et à la discrétion, mais c’est bien par la vie de certains Saints, qui ont choisi un mode de vie radicalement opposé, que nous pouvons aussi en apprendre plus sur la sagesse de Dieu et sur ce qui protège notre propre paix.

Après avoir mis fin à sa carrière militaire, Charles de Foucauld entrait dans les ordres. Il vécut dans différents espaces, avec plus ou moins d’interactions : d’abord au couvent avec ses frères trappistes de Syrie, puis dans la solitude mais rattaché aux clarisses de Nazareth, enfin parmi les Touaregs, avec qui il exerçait chaque jour l’hospitalité. Il déployait sa vie par un service généreux envers ses frères de proximité et portait l’humanité dans sa prière, mais il laissait aussi une grande part de ses journées (et surtout de ses nuits) au silence et à la méditation des Evangiles, dans l’intimité avec Dieu.

Les textes de Charles de Foucauld démontrent l’intérêt tout particulier qu’il avait développé pour ce qu’il appelle «la vie à Nazareth», soit les trente ans de vie que passa Jésus Christ dans l’anonymat, apprenant un métier manuel et soumis à ses parents, nous dit la Bible.

Que peut donc nous enseigner Nazareth aujourd’hui et surtout pour les nouvelles générations ?

Frère Charles a vécu Nazareth dans sa propre vie et en a même fait une dimension à part entière de sa vocation religieuse. Il avait eu une intuition particulière pour imiter le Christ dans cette vie discrète et besogneuse, bénie par l’amour de la Sainte Famille et de son Père céleste. La méditation de cette partie de la vie du Christ – qui n’est pourtant pas très développée au sein des Evangiles mais qui représente la majeure partie de l’existence de Jésus sur cette terre – nous enseigne admirablement que la discrétion est source de paix et qu’elle est modèle pour notre vie quotidienne.

La vie publique de Jésus, où il était donné aux foules et aux disciples, poursuivait un but bien précis qui était de dévoiler le visage du Père et de Sa profonde bonté et de sauver l’humanité par le don de Sa vie sur la Croix. Elle n’avait pas pour objectif de mettre en avant le Christ et ses miracles pour en tirer orgueil et renommée. Ainsi, tout un chacun est invité à méditer sur cette «discrétion» et comment l’appliquer à sa vie personnelle, dans le respect de son histoire et de son identité.

Méditer sur la «discrétion» mais également sur les conséquences parfois néfastes que peut avoir le fait  de dévoiler de trop sa vie privée et intime à un grand nombre par le biais des réseaux sociaux. Certains commentaires ou réactions négatives, humiliantes ou agressives, peuvent infliger des blessures profondes et il est nécessaire de s’en préserver pour pouvoir garder la paix. Ceci reprend le dicton bien connu «moins on en dit, mieux on se porte», qui reflète la sagesse qu’il y a à garder pour soi les aspects les plus intimes de sa vie pour pouvoir disposer d’un espace plus grand de liberté, qui est source de paix intérieure !

Le temps et la patience, les enseignements du désert

Comme vous l’aurez compris, Charles de Foucauld a vécu une partie de sa vie au désert et il y a même trouvé la mort en décembre 1916. Frère Charles affectionnait particulièrement le désert, où il  a pu expérimenter la puissance de la Création et les bienfaits de se dépouiller du superflu pour vivre des relations vraies, amicales et fraternelles avec le peuple touareg.

Dans ses écrits, il évoque trois styles de vie qu’il dit «parfaits» parce que semblables à ce qu’a vécu le Christ en cette terre:

  • la vie cachée de Nazareth, que nous avons évoquée plus haut, où le Messie vivait de l’amour de la Sainte Famille
  • la vie publique, liée à sa mission et à l’enseignement aux disciples
  • la vie d’ermite au désert, là où Jésus sortit victorieux de la tentation du Malin

La vie au désert fait réfléchir à une autre temporalité et aux fruits d’une des plus grandes vertus chrétiennes qu’est la patience.

Dans un monde où tout va extrêmement vite, le rapport aux choses «qui prennent du temps» peut être dénigré, méprisé ou même oublié. On voudrait que tout se fasse rapidement, en minimisant souvent la nécessité de laisser un temps de maturation et de suivre les étapes nécessaires pour se transformer et grandir.

Le désert impose le rythme de la nature à l’Homme et fonctionne selon ses propres règles. Nous sommes bien loin des techniques numériques qui nous font accéder en quelques clics à des centaines de milliers d’informations et d’opportunités ! Mais ce rythme est-il vraiment adapté à notre nature humaine et contribue-t-il à nous apporter la paix et la joie ? Il est difficile de ne pas s’alarmer face au nombre de burn-out qui augmente de plus en plus dans le milieu professionnel et du nombre de dépressions qui engendrent tristesse, angoisse et qui peuvent aller parfois jusqu’au refus de la vie.

La discrétion de Nazareth, la lenteur puissante du désert, voilà des ingrédients pour le moins «déplaçants» pour les temps que nous vivons mais qui méritent toute notre attention dans le cadre du maintien et de la protection de notre paix intérieure.

A l’exemple de Charles de Foucauld – qui, étant plein d’audace et parfois pressé dans sa quête de Dieu, trouvait toujours une sagesse canalisante en la figure de son directeur spirituel, l’Abbé Huvelin – réfléchissons à comment ériger dans nos vies personnelles des espaces de calme permettant de nous mettre à l’écoute de nous-mêmes et de respecter notre rythme naturel de croissance.

L’Abbé Huvelin, homme d’Église, à l’origine de la conversion de Frère Charles, et qui avait gagné sa confiance, s’efforçait de toujours atténuer les désirs pressants de ce jeune religieux, afin qu’il puisse prendre des décisions éclairées et respectueuses de sa liberté.

La sagesse de Dieu respecte les processus de changement et de transformation qui opèrent en chaque être humain. C’est en les niant que l’homme se violente de l’intérieur et perd sa paix. L’Abbé Huvelin a toujours permis au Frère Charles de prendre des résolutions durables en lui imposant parfois le rythme lent, ardu et sec du désert.

Le dialogue intime avec Dieu, source de paix

Le désert est aussi le lieu du dialogue intime avec Dieu, dont la paix intérieure découle.

C’est dans la prière, dans le tête-à-tête avec Dieu que l’âme trouve la nourriture pour la combler. La paix peut se demander lorsque l’âme est agitée, mais elle peut aussi se pratiquer chaque jour à travers une prière silencieuse, qui laisse à Dieu la possibilité de nous faire revenir à l’essentiel, aux simples réalités de la vie.

C’est par cette paix acquise au quotidien que n’importe quel chrétien peut ensuite répandre l’harmonie, la joie et l’apaisement pour toucher d’autres âmes, qui sont dans le besoin. Charles de Foucauld passait des heures en adoration devant le Saint Sacrement, il méditait les Écritures Saintes et parlait avec Dieu, son ami le plus intime, de tout ce qui l’interrogeait, de tout ce qu’il ne comprenait pas, et surtout, il passait beaucoup de temps à Le remercier et à s’émerveiller de Sa Création.

C’est la prière qui ouvrait son cœur à une fraternité si large et si universelle. Par la prière, il permettait à Dieu d’aimer en lui et par lui, devenant ainsi un artisan de paix puissant auprès de ceux avec qui il partageait le quotidien dans un profond respect. Le Christ lui-même prenait des temps de solitude dans des endroits reculés pour prier le Père. Il puisait dans ce moment intime et silencieux les forces pour mener à bien Sa mission, pour proclamer la Bonne Nouvelle, réaliser les nombreux miracles qui montraient la bonté du Père céleste, affronter l’adversité et tenir dans les moments de grande détresse.

Autrement dit, la paix que donne le Christ n’est pas tournée vers l’extérieur mais vers l’intérieur, elle est reliée à notre intimité, à notre prière. Elle ne dépend donc pas du monde et de ce qu’il peut offrir, mais elle nous rend toute notre liberté en nous ramenant vers nous-mêmes et notre capacité à dialoguer avec le Père. Le désert est le lieu du dépouillement, mais il ne faut pas oublier qu’il reste avant tout le lieu de l’abondance des grâces. C’est dans le désert de notre cœur que Dieu fait fleurir la source de notre paix !

Peuples d’Islam et amour universel

Le parcours de Charles de Foucauld a été marqué par des rencontres avec des croyants musulmans, qui ont joué un rôle déterminant dans sa vie de foi et dans son retour à Dieu. Il serait impossible d’évoquer sa vocation religieuse et son désir ardent de devenir le «frère universel» de tous les hommes, sans évoquer la place qu’ont tenu ses amis musulmans dans sa conversion et l’expansion de son désir d’aimer.

Frère Charles avait grandi dans une famille catholique, dont certains membres – incluant sa cousine Marie de Bondy, pour qui il avait un profond respect et un grand amour – étaient très pratiquants et très pieux. Lorsqu’il s’éloigna de la foi à l’adolescence, leur image restait comme une lueur discrète, une toile de fond vers laquelle tendre, ce qui lui rappellerait par la suite à quel point Dieu avait été présent dans sa vie et ne l’avait jamais abandonné, même face à ses refus.

A Saint-Cyr, Frère Charles fréquentait plutôt un milieu athée, et ses excès continuaient à creuser l’écart grandissant entre lui et le Créateur, causant notamment beaucoup d’inquiétude à sa cousine Marie de Bondy qui lui restait fidèle dans la prière.

Ce n’est que lors de ses déplacements au Maroc et en Algérie que Frère Charles fut «frappé». Frappé par des croyants musulmans qui priaient avec intensité et avec une grande dévotion et soumission un Dieu Très Haut et Tout Puissant. A leur contact, il pressentit que Dieu pouvait exister et il était admiratif de leur rapport au sacré et de leur discipline de prière et de vie. Il comprenait, grâce à leurs témoignages, qu’il y avait une Cause plus grande à cette vie, une relation possible avec un Autre, qui le dépassait.

Frère Charles a également connu des péripéties lorsqu’il décida de quitter l’armée pour devenir géographe. Il parcourut le Maroc en clandestin, déguisé en rabbin juif, pour pouvoir explorer ce pays qui était alors interdit aux étrangers européens. Sillonnant le Maroc, il connut des épisodes de danger, où il aurait pu perdre la vie si des musulmans ne l’avaient pas protégé. Ce témoignage de bravoure et de fidélité à Dieu, qui les avaient poussés à exposer leur vie pour sauver la sienne le toucha profondément et réactiva en lui ses propres désirs de don de soi et de courage.

Frère Charles a vécu parmi des peuples musulmans tout en restant chrétien. Il était appelé le «marabout blanc» par les nomades du désert, qui ne comprenaient pas qu’il ne soit pas marié et qu’il n’ait pas d’enfants. Alors qu’il vivait parmi les Touaregs, Frère Charles tomba gravement malade et c’est grâce aux quelques gouttes de lait apportées par ses amis touaregs qu’il pu être sauvé. C’était la première fois où il expérimentait vraiment le fait de recevoir la fraternité, et non pas de la donner par choix libre. C’était la première fois où il se retrouvait dépendant des autres, de ceux qui l’accueillaient et vivaient avec lui.

L’amitié avec les Touaregs apporta beaucoup de paix au Frère Charles, qui était à la fois source et réceptacle de la charité humaine. L’amour qu’il recevait de Dieu dans la prière lui dilatait le cœur, au point qu’il pouvait la transmettre ensuite dans ses échanges et dans les plus petits gestes de sa vie quotidienne avec eux. Mais il recevait aussi beaucoup d’amour de la part de ses amis, qu’il respectait et admirait profondément. Cette circulation d’amour rendait leurs relations vraies et sincères, fortes et profondes.

La beauté des relations que nous vivons est également un facteur puissant de paix intérieure. Le fait de nourrir sa foi des actes de charité d’autres croyants l’est également. Reconnaître Dieu en l’autre, en celui qui ne croit pas, ou qui ne croit pas comme moi, est facteur de croissance pour l’âme et d’harmonie. Frère Charles a toujours oser la rencontre, et c’est ce qui lui a permis ensuite de désirer ardemment de devenir le «frère universel» de tous les hommes. Un tel désir n’aurait pas pu se formuler dans son cœur s’il n’avait pas aussi reçu de ceux qui l’entouraient. On ne donne que ce qu’on a reçu. Frère Charles avait reçu de Dieu, et des hommes (autre visage de Dieu).

Notre paix intérieure dépend donc de nous-mêmes mais aussi de nos relations, qui l’alimentent et nous ouvrent de nouveaux chemins de générosité et d’amour. Osons rencontrer l’autre et apprenons de lui pour que notre foi devienne plus vivante et transformatrice !

Par Bérengère Savelieff, chargée d’éducation à la paix pour Pax Christi France