La première étape du parcours de réflexion « De la sécurité vers la paix » a réuni François Soulage, président d’honneur du Secours Catholique et spécialiste en économie sociale et solidaire, Vincent Jarousseau, photojournaliste et documentariste, spécialiste de la mise en image des classes populaires, et Ghislain Brégeot, directeur d’un institut de solidarité internationale (IFAID) en Aquitaine. Quels enseignements pouvons-nous en tirer ?
1er constat : une société divisée entre « ceux qu’on entend et ceux qu’on n’entend pas »
François Soulage a proposé une approche originale des divisions en concentrant sa réflexion sur l’accès à la parole. D’après l’économiste, la fracture se creuse entre « ceux qu’on entend et ceux qu’on n’entend pas». Cet élément d’analyse a donné lieu à un riche échange entre les trois intervenants autour du rôle central de la capacité des Françaises et des Français à s’exprimer, évoquant ainsi le fossé toujours grandissant entre les populations sur-diplômées et les sans diplômes, entre ceux qui ont accès aux relais d’informations et qui savent s’exprimer, et ceux qui, au contraire, n’ont pas de lieu où être entendus et représentés.
2ème constat : des lieux d’échanges et de mobilisation à l’abandon
Les intervenants ont pointé les conséquences du « glissement d’une société de production vers une société de consommation », considéré par Vincent Jarousseau comme irrévocable. Tous ont mentionné l’impact de la désindustrialisation, de l’atomisation de la société et de l’individualisme qui en découle, de l’injonction à la mobilité comme autant de facteurs qui ont fini par réduire la fréquentation des lieux de sociabilisation, où était encouragée l’émergence d’une pensée et d’une expression collective. Ces lieux qui, auparavant, rassemblaient et mobilisaient (comme l’Eglise, les syndicats, les partis politiques etc),ne jouent plus leur rôle de fédérateur et de porte-parole des sans voix.
3ème constat : un manque d’écoute et de dialogue dans la société
Les trois intervenants se sont accordés sur la difficulté de trouver un consensus dans notre société, et sur la capacité à comprendre les réalités vécues par les individus en souffrance.
Selon eux, la crise des gilets jaunes et la pandémie ont mis en évidence la difficulté du monde politique à saisir les raisons profondes de la colère populaire.
François Soulage a souligné l’importance de s’interroger sur ce que dit une émotion comme la colère et d’en permettre l’expression dans des espaces de dialogue pour éviter qu’elle ne se transforme en haine, en ressentiment et en rejet de l’autre. Il a insisté sur l’urgence d’apprendre à écouter les émotions et les besoins des personnes pour parvenir à une société plus apaisée.
Un cadre et une méthode existeraient-ils déjà ?
Ghislain Brégeot a souligné qu’il existait déjà un cadre et une méthode proposée par les Nations Unies, celui des Objectifs du Développement Durable (les ODD), qui pourraient aider à mettre en œuvre des propositions et des projets concrets pour aller dans une même direction.
Comment ces ODD pourraient-ils être déployés sur le territoire français et comment impliquer tous les citoyens pour qu’ils puissent y participer à leur échelle ? C’est une question qui restera ouverte tout au long de ce parcours de réflexion.