L’Eglise, les mouvements et le rapport Sauvé

Retour sur une session de travail à Lourdes

Le démarrage aura été décapant : à peine sommes-nous réunis dans l’hémicycle, pour l’ouverture de cette session spéciale en présence et avec la participation des associations et mouvements réunis au sein de Promesses d’Eglise , que le président de la Conférence des Évêques de France, Mgr Eric de Moulins-Beaufort livre le constat sur lequel les évêques se sont « trouvés d’accord » le matin même. Ils « reconnaissent la responsabilité institutionnelle de l’Église dans les violences qu’ont subi tant de personnes victimes », la « dimension systémiques de ces violences » et le « devoir de justice et de réparation » que cette reconnaissance de responsabilité entraîne et qui « ouvre la possibilité de demander pardon en vérité ».

Pour certains de nous, présents en coulisses depuis le début de la semaine, cette déclaration est l’aboutissement espéré d’un laborieux parcours de recherche de la vérité auquel ils auront, si ce n’est assisté, du moins contribué, par leur présence, leur pression, leur prière. Pour les autres qui viennent d’arriver à Lourdes, c’est le choc devant une réalité jusque là inconnue, ou à peine imaginée.

La réalité que dévoile sans complaisance le « rapport Sauvé » est aussi la réalité ecclésiale d’une assemblée d’évêques qui livrent, et ce n’est pas de trop, leurs émotions et leur peine, leur désarroi et leur désir de se mettre à l’écoute, de demander pardon, de faire œuvre de réparation.
Au nom de – et portés par – les mouvements dont nous sommes les responsables ou les porte-voix, nous nous disons autant effarés et révoltés que les victimes, prêts à partager la peine de nos pasteurs, résolus à obtenir d’eux, avant qu’ils quittent Lourdes, un repentir sincère, des engagements fermes, l’ouverture d’un chemin de conversion qui inclut les fidèles, largement et de façon permanente.

Après une première étape où, par petits groupes d’évêques et responsables de mouvements, nous avons dit notre surprise, notre tristesse, notre dégoût à la « réception » du rapport, nous participons à des ateliers thématiques où il est question de réparation, responsabilité, gouvernance, finances, droit civil et droit canonique… Assez techniques, ces ateliers ont pour finalité de sonder les mouvements sur les mesures préconisées par la CIASE qui seraient à mettre en œuvre tout de suite et celles qui pourraient demander des calibrages et du temps pour entrer en vigueur.
En réalité, cette distinction est vite écartée au profit d’une approche globale où reconnaissance, responsabilité et réparation se mêlent dans un seul et unique élan. Élan qui est porté au sein de Promesses d’Eglise par une volonté de demeurer proche de nos pasteurs tout en contribuant à une refonte en profondeur de la façon d’ « être en Église » et d’ » être Église ».

C’est finalement un chemin qu’il n’est pas abusif de qualifier de pleinement « synodal » qui est réclamé et – il faut l’espérer – s’ouvrira vraisemblablement devant nous, vers une Église moins « triomphante » et plus  « confessante ». Comme l’a écrit le pape François dans sa Lettre au peuple de Dieu du 20 août 2018, « le seul chemin que nous ayons pour répondre à ce mal qui a gâché tant de vies est celui d’un devoir qui mobilise chacun et appartient à tous comme peuple de Dieu. Cette conscience de nous sentir membre d’un peuple et d’une histoire commune nous permettra de reconnaître nos péchés et nos erreurs du passé avec une ouverture pénitentielle susceptible de nous laisser renouveler de l’intérieur ».

A Lourdes les évêques ont dévoilé un mémorial de la souffrance et de la douleur infligée à tant de victimes innocentes, et aussi au corps du Christ. Pour aller dans le sens de l’ »ouverture pénitentielle » dont parle le pape, n’en faudrait-il pas un pour chacun des diocèses de France ?

Alfonso Zardi
Délégué général