Ne pas céder au découragement

Et après ? Après le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations-Unies (GIEC) ? Après les événements catastrophiques de cet été, dont l’accélération signe un début de basculement de la situation climatique, n’est-il pas déjà trop tard ? Avons-nous d’autres choix que de subir la catastrophe, et d’essayer tant bien que mal de s’y adapter ? Ou pire encore peut-être, la fuite en avant dans la recherche d’un salut technologique : voiture électrique, fusion nucléaire, capture du carbone, etc… Autant de chemins pour la plupart illusoires, et surtout démobilisateurs face aux défis à relever et aux changements que nous devons assumer.

Alors, que faire ?

Nous connaissons déjà toutes les réponses, certaines déjà depuis longtemps, mais nous n’avons pas le courage de les mettre en pratique, personnellement et collectivement. Trop d’habitudes à bousculer.

Pourtant, le pape François nous a donné deux feuilles de route très claires : Laudato si’ et Fratelli tutti. Donc aucune excuse pour ne pas nous mettre résolument sur le chemin de la conversion écologique.

Elle passe aujourd’hui par trois attitudes à mettre en pratique : résister, relier, renouveler.

D’abord, résister. Nos modes de vie sont devenus insoutenables : nous savons que nous devons changer, et adopter la sobriété, un choix profondément contre-culturel dans une société obsédée par un style de vie consumériste compulsif. Que pèse le choix personnel de la sobriété heureuse, face à l’urgence et à la gravité de la situation, et au poids de tout ce qui ne change pas ? Ridicule goutte d’eau du colibri face au gigantisme de l’incendie qu’il nous faut éteindre ?

Pourtant, ce choix personnel n’est pas seulement symbolique : il est indispensable. D’abord dans un souci de cohérence : comment inviter la société à changer sans commencer par soi-même ? Ensuite, parce qu’il est à la racine même de la conversion écologique, qui ne peut être seulement spirituelle : elle doit s’incarner bien concrètement dans nos manières de vivre. Enfin, par solidarité avec nos frères humains et non humains : il nous faut partager les ressources limitées de la Maison commune, si l’on veut « aspirer à une planète qui assure terre, toit et travail à tous » (Fratelli Tutti, 127).

Résister, donc, par le choix personnel de la sobriété, vécu avec d’autres.

Ensuite, relier. « Tout est lié », répète François avec insistance dans Laudato si’. « Personne ne se sauve tout seul, il n’est possible de se sauver qu’ensemble » (FT 32). L’exhortation à la conversion écologique est à la fois personnelle et communautaire. Face aux crises, il n’y a pas de solution toute faite. Des bouts de réponses sont déjà expérimentées dans des lieux nombreux : familles, paroisses, communautés religieuses (cf. Eglise Verte), associations, entreprises, collectivités territoriales, écovillages. Le virus du changement est déjà à l’œuvre, discrètement, et sans doute pas assez vite. D’où l’importance des liens, des réseaux et des échanges. D’où l’importance aussi du dialogue, comme processus, pour inventer ensemble des solutions. Si point de bascule il y a pour le climat ou la biodiversité, ne peut-on pas rêver d’un tipping point (seuil de tolérance) aussi dans le processus de conversion, qui par contagion ferait aussi basculer l’ensemble de la société ?

Relier, donc, relier les hommes, relier aussi les causes. La dégradation de l’environnement touche d’abord les plus pauvres : protéger l’air, l’eau, la forêt, c’est protéger les peuples.

Enfin, renouveler. Ce processus de conversion par contagion nécessite bien sûr un relais politique, car il s’agit d’une véritable révolution écologique. Le mot peut faire peur, car il est très vite associé au désordre et à la violence. Pourtant, François n’hésite pas à évoquer « l’urgence d’avancer dans une révolution culturelle courageuse » (Laudato Si’, 114), et à pousser la société civile à agir, face aux défaillances des gouvernements. La conversion écologique concerne l’ensemble des activités humaines : système de production agricole et industrielle, modes de consommation, mais aussi les dimensions sociales et culturelles, l’organisation démocratique et politique. C’est la proposition révolutionnaire d’une écologie intégrale, qui ose remettre en cause les concepts de croissance économique, et même de croissance verte ou durable. Révolutionnaire, parce qu’elle suppose un changement radical, à la racine de nos modèles économiques et de nos modes de pensée, un changement de paradigme personnel et collectif.

L’enjeu ici devient éminemment politique, au sens où celle-ci sait se faire charité au service de la fraternité et de l’amitié sociale (FT).

Ne l’oublions-pas, quand notre pays s’apprête à connaître des échéances électorales décisives.

Pour renouveler la Maison commune, l’Oikos de Dieu, « ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants et restons sobres » (1 Th 5, 6).

 

Loïc LAINE, Commission Ecologie Intégrale-Paroles de chrétiens sur l’écologie

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